Au cœur du quotidien d’une éleveuse – Vies à Vies 2022

Au Burkina Faso, la journée des femmes rurales commence bien souvent avant les premières lueurs de l’aube pour se terminer une fois que tout le monde est couché. Leur travail, invisible ou mal valorisé, contribue à l’équilibre social et économique des foyers mais traduit de fortes inégalités entre les sexes. Mariame, 5 enfants : son bébé dans le dos, elle prend soin de ses 5 vaches UN BIEN-ETRE COLLECTIF AU DETRIMENT DE CELUI DES FEMMES 5h30 du matin : se lever, balayer la cour, allumer le foyer, préparer le petit déjeuner pour toute la famille, réveiller les enfants, les débarbouiller, les habiller, les nourrir et les envoyer à l’école pour ceux qui y vont. Veiller au bien-être des enfants : une priorité pour les femmes. Au tour des animaux ! Il est 8h30, ces derniers reviennent des pâturages et du point d’abreuvement. C’est l’heure de la traite et de la tétée pour le veau qu’il ne faut pas oublier mais qui ne doit pas non plus boire tout le lait ! Le lait fuse plus ou moins dans la calebasse en fonction des saisons : les vaches ne mangent pas tout le temps à leur faim. Djeneba, Mariame, Salimata – pour ne citer qu’elles – ont commencé à garder quelques vaches au village pour que ces dernières dépensent moins d’énergie et produisent plus de lait. Cela implique toutefois de leur porter nourriture et eau. Veiller au bien-être des animaux : une nécessité si les femmes veulent gagner sur la vente du lait. A la corvée d’eau maintenant ! A vélo, en charrette ou à pied : tous les moyens sont bons pour rapporter le précieux liquide à la maison. Des heures pour parcourir des kilomètres, attendre son tour à la borne fontaine, le tout sous un soleil de plomb, pour recevoir parfois à peine de quoi répondre aux besoins du foyer et des animaux. L’eau est là, l’approvisionnement en bois est fait (une autre corvée assurée par les femmes) : c’est l’heure de préparer « la popotte » ! Faire cuire le riz et les condiments achetés au marché avec parfois les bénéfices tirés de la vente du lait. Veiller au bien-être des estomacs du foyer : une obligation à laquelle se tiennent les femmes. Cette charge de travail domestique se ressent dès le plus jeune âge et le temps pour prendre soin de soi, pour apprendre, se reposer est moindre comparé à celui des hommes. Coumbo prépare de quoi nourrir les volailles. L’heure du bain pour le fils de Mariame UN TRAVAIL INVISIBLE ET TEINTÉ D’INÉGALITÉS Dans la communauté peulh, les femmes ne cultivent pas et sont plus expertes en élevage avec le développement d’une activité économique autour de la traite. Dans la communauté mossi, les femmes sont très impliquées dans les travaux champêtres mais sont moins spécialistes en élevage, avec une activité de traite essentiellement dédiée à la consommation familiale. Dans tous les cas, les femmes ne sont pas propriétaires de la terre, des infrastructures et des animaux. Elles n’ont pas non plus le contrôle de certains maillons des filières comme l’achat ou la vente des animaux. Ce sont les maris qui donnent ou pas l’autorisation pour l’exploitation du lait, tout comme la participation aux organisations paysannes ou politiques. Pourtant, si les femmes avaient le même accès aux ressources productives et aux sphères de décision que les hommes, le rendement des exploitations augmenterait de 20 à 30% selon la FAO. Ce patriarcat s’installe très tôt dans les mentalités. Comme on dit en mossi, « Rawa katar bilié » : quel que soit son âge, un garçon reste un garçon et est toujours supérieur à la femme. La lessive avec cette eau si précieuse Djeneba, 4 enfants : à la traite de ses 10 vaches ENCORE PLUS DIFFICILE POUR LES DEPLACÉES Depuis 2015, le Burkina Faso connait une crise sécuritaire sans précédent. Les attaques terroristes se sont multipliées au nord, à l’est et à l’ouest. En mars 2022, la population déplacée a été estimée à 1,7 million de personnes. Des conflits peuvent survenir lorsque les ressources essentielles à la vie font défaut. Du fait de leur rôle dans la gestion de ces ressources, les femmes se retrouvent au cœur de ces tensions. La pression autour de la terre, de l’alimentation et de l’abreuvement du bétail peut mettre en péril la cohésion sociale. Dans le cadre du projet « Voie Lactée », les communautés de 6 villages de l’Oubritenga travaillent avec ESF et son partenaire APIL(1) pour que les femmes puissent s’engager sereinement dans le projet, avoir un meilleur accès aux ressources et aux bénéfices, mieux les contrôler et enfin faire appliquer leurs droits juridiques, sociaux et politiques. Le tout compris, accepté et soutenu par toutes et tous. SYLVAIN GOMEZ, Référent projet « Voie Lactée des femmes de l’Oubritenga » (1) Action pour la Promotion des Initiatives Locales

Zoom sur le parcours de Michel – Vies à Vies 2022

JEUNE ÉLEVEUR DE PINTADES AU TOGO Au Togo, 48% de la population a moins de 18 ans. Chaque année, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail peinent à réussir leur insertion professionnelle. Le lien entre manque de formation et chômage est évident. Le projet « Or Gris des Savanes » a permis à Michel de lancer son projet d’élevage de pintades. https://www.youtube.com/watch?v=6MXM3FptTSA Michel Tchable, jeune éleveur de pintades ambitieux Michel Yentaguime Tchable a 23 ans. Il vit dans les Savanes, dans le village de Kourientre. Sa famille n’a pas pu lui payer sa scolarité au-delà de la 1ère. Grâce à son engagement dans l’élevage, il a été retenu pour faire partie des 60 jeunes qui ont été formés à la Maison Familiale de Formation Rurale de Nagbéni. Pendant 7 mois, il a reçu des formations en élevage, en commercialisation et en gestion d’exploitation. Il sait à présent élaborer un aliment local pour pintade, incuber des œufs, dispenser les soins vétérinaires nécessaires au maintien de la bonne santé de ses animaux mais aussi suivre et évaluer son activité. Il a aussi été accompagné dans le montage et le financement de son projet d’élevage. Sur la base du plan d’affaire qu’il a formulé, il a été sélectionné et a reçu une subvention qui lui a permis de construire, d’équiper son poulailler et d’acheter des animaux. Cette formation et cet accompagnement ont été possibles grâce aux animateurs et aux formateurs des partenaires togolais FMFRT et ESFT(1). Avec les bénéfices tirés des ventes de pintades, il participe aux dépenses du foyer comme l’alimentation et la scolarisation de ses 6 frères et sœurs. Une partie de ses ressources est aussi réinvestie dans les activités agricoles. Devenu un modèle pour sa génération, il conseille et encourage des jeunes à s’investir comme lui dans cette activité qui lui permet de subvenir à ses besoins, de contribuer à ceux de son entourage et de participer au développement économique du territoire des Savanes. Sa famille bénéficie de la réussite de son projet. Formation sur l’alimentation des pintades JOSEPH KABORÉ, Référent projet « Or Gris des Savanes » (1) Fédération des Maisons Familiales et Rurales du Togo (FMFRT) – Elevages et Solidarité des Familles au Togo (ESFT)

Regard sur les champs-écoles – Vies à Vies 2022

Un « champ-école paysan » est une démarche de conseil agricole visant à accompagner les paysans dans l’amélioration de leurs pratiques pour une intensification durable de leurs productions agricoles. ESF utilise cet outil de formation pour animer des processus d’apprentissage en milieu rural. Comme une école « sans murs », les rencontres sont organisées dans un champ pour apprendre et valider des nouvelles techniques et solutions améliorant la gestion et l’écologie d’une culture. COMMENT METTRE EN ŒUVRE UN CHAMP-ÉCOLE ? Cette méthode centrée sur les apprenants repose sur une logique d’apprentissage par l’expérience. Durant toute une saison de culture (de la préparation des sols à la récolte), 15 à 30 agriculteurs se regroupent autour d’un champécole. Sous l’animation d’un technicien en agriculture, les membres d’un groupe se rencontrent pour conduire plusieurs expérimentations autour de la fertilisation des sols, la gestion de l’eau ou d’autres techniques testées. Le champ est divisé en plusieurs parcelles afin de disposer d’éléments visuels et factuels permettant de comparer les pratiques culturales communément utilisées et les techniques novatrices à mettre en œuvre (comme par exemple la substitution d’engrais chimiques par du compost à base de fumure animale). Lors de ces rencontres, le facilitateur encourage les participants à observer et apprécier les effets des pratiques appliquées sur les cultures de façon à retenir les solutions les plus avantageuses. A l’issue de ce processus, les paysans reproduisent les innovations validées collectivement dans la conduite des cultures dans leur ferme. https://www.youtube.com/watch?v=uJ4R3uukLtk Abou, Animateur en productions végétales sur le projet « Or Gris des Savanes » QUELS IMPACTS DANS NOS PROJETS ? Depuis 6 ans, ESF a essaimé cette approche dans plusieurs zones d’action. Récemment au nord Togo, les résultats de 25 champs-écoles paysans conduits au cours du projet « Or gris des Savanes » ont été capitalisés. L’objectif était d’amener les agroéleveurs à apprendre et à mettre en pratique les techniques de l’agroécologie et de l’agroforesterie pour améliorer la productivité des cultures vivrières tout en diversifiant leurs productions végétales. D’après l’évaluation menée, les producteurs disent avoir de meilleurs rendements sur leurs cultures (maïs, sorgho,…) avec les solutions de lutte antiérosives et l’application d’engrais verts. Ils souhaitent poursuivre ces expérimentations collectives et l’échange de savoir-faire entre pairs. THIBAULT QUEGUINER, Référent projet « Du champ à l’assiette »

Parole de Christian Bassolé, dessinateur – Vies à Vies 2022

CHRISTIAN BASSOLÉ DIT « MAIN2DIEU » Je me nomme Christian Arnaud Bassolé, dit « Main2DIEU ». Je suis dessinateur. Je termine ma formation aux Beaux-Arts d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Ma formation initiale en Droit m’aide à dénoncer par le dessin les injustices, les inégalités et les faiblesses de nos sociétés. J’ai croisé Sylvain Gomez, référent projet ESF au Burkina Faso lors d’une « soirée caricatures » à Ouagadougou. Je l’ai caricaturé et puis on a parlé dessin et d’ESF ! Ensemble nous avons conçu deux kits de formation imagés : un sur l’élevage de poulets, l’autre sur l’élevage de chèvres. Nous avons d’autres idées pour former en images et à travers l’élevage sur les droits des femmes, la préservation de l’environnement et l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Savoir que mes dessins permettent d’échanger, de former et de décider avec les éleveurs sur les améliorations de leurs pratiques me motive beaucoup. Cela dépasse le simple plaisir des yeux et mes dessins contribuent aux changements économiques, sociaux et environnementaux auxquels je crois. Un grand merci à Elevages sans frontières pour cette collaboration !

Elevages sans frontières et son projet au Maroc : lauréat du prix Medici For Equality

Jeudi 16 juin, Elevages sans frontières était à Paris, au Cabinet Medici pour recevoir avec grande joie et fierté le prix « Medici for equality ». Les 25 associations lauréates étaient présentes, réunies par ces groupes d’avocates qui ont fait le choix de monter ce Fonds de dotation pour soutenir des initiatives d’intérêt général et lutter contre les inégalités. Avec un féminisme, une force et un engagement,qui étaient tout simplement communicatifs et ressourçants. C’est notre projet « Envol des femmes », que nous mettons en œuvre au Maroc, qui a été récompensé par ce prix. Ce qui a marqué le jury, c’est cette volonté, dans notre projet, d’appuyer les jeunes femmes qui se sentent une charge pour leur famille. En leur offrant la possibilité de développer leur propre activité, ce sont des ailes qui leur poussent dans le dos ! Ce fut donc une belle soirée, riche de rencontres, d’émotions et de partage. Cela nous motive évidemment à continuer nos actions, à nous mobiliser encore et toujours pour les plus démunis d’entre nous. Merci au fonds Medici pour votre soutien, et merci à Caroline Duclercq, nous vous attendons à Ouarzazate !

Elevages sans frontières lauréat de la 3ème édition du Prix Jean Cassaigne

Après la Maison des Himalayas en 2020 et les Enfants de Louxor en 2021, les lycéens du Lycée Jean Cassaigne récompensent Elevages sans frontières d’un premier Prix de 9 000 € pour son action en faveur des communautés paysannes vulnérables du Nord Togo et Street Child France d’un deuxième Prix de 3 000 € pour son action en faveur des Musahars, minorité discriminée au Népal. Prix Jean Cassaigne des lycéens pour la solidarité internationale Avec ce Prix, le groupe scolaire Jean Cassaigne et l’association les amis de Mgr Cassaigne souhaitent œuvrer ensemble en faveur de la solidarité internationale et de l’éducation à la solidarité internationale. En mobilisant la communauté française de la solidarité internationale et en sensibilisant un groupe de lycéens aux démarches, aux attendus et aux changements obtenus par des actions de solidarité internationale, ils font vivre le message de Jean Cassaigne qui s’est engagé au 20ème siècle auprès des populations les plus démunies du Vietnam. Ils ont lancé en 2019 le « Prix Jean Cassaigne des lycéens pour la solidarité internationale ». L’objectif est de faire récompenser par ces lycéens des organisations françaises pour une action de solidarité internationale ayant amélioré de façon significative les conditions de vie de populations vulnérables dans un pays du Sud. C’est une initiative unique en France. Lors de la 1ère édition, en 2020, les lycéens ont récompensé la Maison des Himalayas pour son engagement en faveur des enfants souffrant de handicap en Inde, et lors de la 2ème édition en 2021 les Enfants de Louxor pour son action en faveur des populations défavorisées de la rive ouest du Nil à Louxor. Cette année les dons obtenus par la Fondation Jean Cassaigne créée en juin 2021 permettent de décerner un 1er Prix de 9 000 € et un 2ème Prix de 3 000 €. 11 lycéens du groupe scolaire Jean Cassaigne se sont portés volontaires fin 2021 pour former un jury. Ils ont choisi les 5 thématiques prioritaires ci-dessous, en donnant une priorité à l’adaptation aux dérèglements climatiques.  Adaptation au changement climatique au bénéfice des populations les plus vulnérables aux dérèglements climatiques. Amélioration de l’accès aux soins et à la prévention des pandémies pour les populations les plus fragiles. Lutte pour la justice sociale et pour des institutions efficaces, notamment pour aider les populations spoliées de leurs droits et de leurs biens à faire face à l’adversité. Amélioration de l’accès à un travail décent pour réduire la pauvreté et les inégalités et permettre une alimentation saine. 18 organisations ont répondu à l’appel à propositions lancé en janvier 2022. Un comité d’experts indépendants a évalué les actions proposées par ces organisations. Les actions récompensées par les lycéens Cette année, pour la 3ème édition du Prix Jean Cassaigne des lycéens pour la solidarité internationale, les lycéens ont choisi de mettre en valeur les actions permettant aux populations vulnérables des pays du Sud de s’adapter aux dérèglements climatiques. Ils ont aussi considéré que les actions en faveur de la justice sociale devaient être encouragées. Ainsi, après des débats passionnés pour comparer les cinq propositions présélectionnées puis trois tours de vote, ils ont décidé de décerner le premier Prix à « Elevages sans frontières » pour son action en faveur des communautés paysannes vulnérables du Nord Togo et le second Prix à « Street Child » France pour son action en faveur des Musahars, minorité discriminée au Népalet. La remise des Prix aura lieu le vendredi 20 mai 2022 à 16h15 au lycée Jean Cassaigne à Saint-Pierre-du-Mont (Landes) Un grand merci aux lycéens pour leur soutien et leur confiance !

Témoignage de Fatima, jeune éleveuse de moutons à Soukra au Maroc

Je m’appelle Fatima KhoyaMoh, 32 ans. Je suis mariée et mère de trois enfants. Depuis mon mariage, je vis avec la grande famille de mon mari. Je fais les tâches ménagères et je m’occupe également du bétail de la famille. Les achats pour couvrir les besoins de la maison sont à la charge des hommes. Ce sont aussi eux qui prennent les décisions et font le choix des animaux à vendre. Nous, les belles filles, nous n’avons pas le droit d’intervenir. Même pour mes démarches administratives (demande de carte d’identité par exemple) ou pour aller à l’hôpital, mon mari m’accompagne. Je me sens toujours dépendante de quelqu’un. Un jour, j’ai reçu un appel téléphonique d’une femme du village pour une réunion et j’ai décidé d’assister à cette rencontre. La réunion organisée par l’association Rosa nous proposait de bénéficier d’un projet d’élevage de moutons. C’était l’occasion pour moi d’avoir ma propre activité génératrice de revenus. Avec les autres femmes, on a bénéficié d’une formation sur la loi des coopératives, ce qui m’a permis de connaitre l’importance de la coopération et de l’implication dans la coopérative. Après la mise en place de la coopérative ovine, il fallait réaliser un contrat avec l’association Rosa pour bénéficier d’un élevage : c’est ce qui m’a obligé à aller toute seule, pour la première fois, à l’administration. Au début, j’étais hésitante et effrayée, mais j’ai réussi à surmonter mes peurs. Après avoir construit ma bergerie, j’ai reçu deux brebis, une porte, une mangeoire, de la semence de luzerne et de l’aliment de démarrage pour les animaux. J’ai également assisté à des formations sur les bonnes pratiques d’élevages. Ma participation à ces formations et à ces rencontres avec diverses femmes m’a permis de sortir de ma carapace, de la solitude et d’arrêter de garder le silence. Je me sens maintenant plus à l’aise et je suis devenue de plus en plus sociable. Et ce sont des choses qu’on ne peut pas acheter avec de l’argent. Je remercie l’association Rosa et tous ceux qui ont contribué à ce projet et à ce changement dans ma vie. Fatima KhoyaMoh, Eleveuse de moutons dans le cadre du projet ‘Envol des femmes« 

Témoignage de Fadma, une marraine et éleveuse de chèvres impliquée au Maroc

Je m’appelle Fadma Hamidi, âgée de 51 ans, célibataire. Je vis, avec ma mère et mon frère qui est marié. En 2011, j’ai bénéficié d’un appui à l’élevage de chèvres par l’association Rosa. Cet élevage me permet d’avoir une source de revenus par la vente de lait et des animaux. J’ai beaucoup profité de l’encadrement et des formations dispensées par l’association Rosa sur les bonnes pratiques d’élevage : l’alimentation, l’hygiène, les interventions pendant la mise-bas, l’abreuvement, les maladies et les remèdes traditionnelles, aussi quelques médicaments. J’ai accumulé une expérience importante dans ce domaine. Cette activité m’a permis d’améliorer ma vie financièrement et moralement mais aussi de m’occuper des besoins de ma mère qui est malade. J’ai l’habitude d’apporter mon aide et mes conseils aux autres femmes avec joie et contentement. Dans le cadre du projet Imik s’Imik, l’association Rosa a adopté une nouvelle stratégie dans l’encadrement et l’accompagnement des jeunes femmes bénéficiaires. D’anciennes bénéficiaires, porteuses d’élevages réussis, ont été intégrées au projet en tant que marraines pour aider les jeunes femmes débutantes à se lancer dans leur activité d’élevage. Fadma fait partie des marraines. J’ai été enthousiasmée par cette idée [de marrainage]. J’ai l’habitude d’apporter aide et conseils aux autres femmes avec joie et contentement. Nous sommes quatre marraines dans mon village, et chacune d’entre nous s’occupe de trois filleules. Le choix des groupes se fait en fonction de la proximité : trois filleules voisines font équipe avec la marraine qui habite à côté. C’est pour être proche en cas de besoin d’intervention, surtout la nuit, et aussi parce que nous avons de bonnes relations entre voisines. Comme je suis une personne sociale, respectée dans le village, mes relations avec les autres sont bonnes. J’aime aider les gens et partager mes connaissances. J’ai pu m’intégrer rapidement dans mon groupe de jeunes bénéficiaires. J’ai aidé à convaincre les jeunes femmes de l’importance de s’impliquer dans l’association locale. Je les ai encouragées à profiter des élevages de chèvres pour améliorer leur situation matérielle et morale et pour aider leur famille. Je visite leurs enclos, leur donne des conseils et les aide à résoudre les difficultés et les obstacles liés à leurs élevages. Parfois même, je les conseille en ce qui concerne les problèmes familiaux. Au début, mes visites dans les élevages des filleules étaient fréquentes, parfois chaque jour pour les aider et les encourager. Je regarde si les chèvreries sont propres, si l’aliment est propre et dans la mangeoire, si il y a suffisamment d’eau, etc. Quand les mises-bas sont proches, je leurs montre comment savoir que la chèvre va mettre bas. J’étais présente pendant les premières mises-bas pour leur montrer quoi faire pour la chèvre et le petit. Je leur ai montré comment faire la traite en respectant l’hygiène. Pendant la saison des chaleurs, je leur demande de mettre le bouc avec les chèvres et de les surveiller. Quand j’ai senti qu’elles commençaient à comprendre et à devenir plus autonome, mes visites sont devenues moins nombreuses et je n’intervenais qu’en cas de nécessité, comme par exemple pour les mises-bas difficiles. Ce travail m’a fait sentir que je suis un membre utile dans mon village, je me sens fière et heureuse quand je fais cette tâche. Je remercie l’association Rosa de m’avoir donné l’opportunité de transmettre l’expérience que j’ai acquise grâce à l’encadrement, la formation et l’accompagnement de l’équipe Rosa. Fadma Hamidi,Eleveuse de chèvres et marraine dans le cadre du projet ‘Imik S’Imik »

Haïti : pour une insertion professionnelle de jeunes ruraux aux métiers de la filière lait

Le projet « Lait des collines de Lascahobas » initié en octobre 2020 dans le département du Centre et la commune de Belladère accompagne les jeunes et éleveurs.eurs laitiers dans le développement de leurs activités d’élevage. Afin de faciliter l’échange de savoir-faire et l’apport de connaissances sur la gestion et conduite d’élevage bovins-laitiers, Elevages sans frontières et le partenaire CEHPAPE ont expérimenté une nouvelle approche appelée « Ecoles paysannes » pour encadrer et former les éleveuses  et éleveurs soucieux d’améliorer leurs pratiques et leur production laitière. Ce dispositif d’éducation informelle est basé sur des relations plus horizontales où ce sont les paysans et les paysannes qui animent et développent leur propre parcours de formation par l’échange de connaissances et la valorisation de leurs savoir-faire endogènes. Actuellement, 11 groupes « Écoles paysannes » composés de 314 familles paysannes se réunissent régulièrement dans leur localité sous l’animation de promoteurs « Écoles paysannes ». Ces animateurs volontaires, hommes, femmes, jeunes leaders communautaires sont reconnus dans leur localité pour être des éleveuses et éleveurs modèles. Tous les deux mois, ils invitent leurs membres à une rencontre au sein d’une exploitation agricole d’un des membres pour aborder et échanger sur leurs activités et mode de conduite d’élevage. Les dernières rencontres organisées traitaient de l’alimentation animale et des bonnes pratiques à considérer pour apporter des minéraux et protéines dans le régime alimentaire offert aux bovins. En plus des échanges d’expériences, les participantes et participants se sont initiés, par la pratique, à la fabrication de pierres à lécher comme compléments alimentaires à proposer à leurs animaux. Rencontre écoles paysannes Eleveurs s’initiant à la fabrication de pierre à lécher D’autres alternatives sont promues en collaboration avec les bénéficiaires pour augmenter leur capacité de production laitière. A ce stade, 20 éleveurs ont décidé de s’initier à la production de fourrage pour le bétail. Après s’être formés avec le soutien technique du projet et un parcours de formation mis en œuvre par les techniciens, les éleveuses et éleveurs ont reçu des boutures qu’ils ont plantées pour la culture du fourrage qui servira à compléter l’alimentation de leurs animaux. Inspiré du « Qui reçoit… donne », les bénéficiaires s’engagent à rembourser les boutures reçues à d’autres éleveuses et éleveurs. Dans les prochaines semaines, une centaine de ménages profitera de ce fonds rotatif de boutures pour installer à leur tour des nouvelles parcelles fourragères sur leur ferme. Eleveur dans sa parcelle de fourrage Bovin bénéficiant d’un fourrage vert de qualité Afin de contribuer à l’essor de la filière lait locale, l’équipe du CEHPAPE multiplie les actions pour renforcer les différents maillons de la production jusqu’à la commercialisation de produits laitiers transformés. Une laiterie labéllisée « Let’Agogo » appuyée dans le développement de son activité offre dorénavant un débouché stable aux éleveurs et éleveuses pour la vente du  lait. Le mois dernier, l’équipe de salariés de cette unité de transformation a bénéficié d’un appui sur les bonnes pratiques de fabrication et d’hygiène. Le protocole HACCP défini contribuera à l’amélioration de la qualité du lait aromatisé, commercialisé en circuit-court sur les marchés et boutiques d’alimentation de la zone. Pour MORETTE Roseline, 30 ans « Élever des bovins, c’est avoir du lait et de l’argent pour couvrir les besoins alimentaires et assurer la scolarité et la santé de ses 3 enfants ! » Thibault Queguiner, Chargé du projet « Le lait des collines de Lascahobas »

Du champ à l’assiette : pour un système alimentaire résilient au Sud du Togo

Une coopération public-privé pour un système alimentaire résilient au Sud du Togo Dans le cadre de la promotion du consommer local au Togo et dans un contexte de changement des comportements alimentaires dans nos sociétés actuelles, les acteurs des filières agricoles et agroalimentaires doivent s’adapter, s’organiser et se structurer pour assurer une croissance forte de l’offre nationale de produits alimentaires tout en répondant aux besoins et attentes des consommateurs ruraux et urbains conformément au cadre législatif et réglementaire. C’est à cet effet que l’ONG OADEL a organisé, à l’intention des élus communaux, dans le cadre du projet « Du champ à l’assiette » soutenu par Elevages sans frontières, une journée de travail sur le thème : « Coopération public-privé vers un système alimentaire résilient ». L’objectif de cette séance d’information et de formation des conseillers municipaux est de favoriser la concertation et la participation des élus de la commune au développement des filières de proximité, ceci, à travers des présentations et débats sur les défis de la souveraineté alimentaire, les enjeux de la zone de libre-échange continentale africaine et les systèmes alimentaires territorialisés. Il s’agit à court terme pour OADEL d’appuyer les municipalités et les différents acteurs concernés dans les communes dans la mise en place d’un Système Alimentaire Territorialisé pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle des habitants de leur territoire. Les rencontres se sont déroulées dans les salles de délibération des communes du Grand Lomé et de 4 autres communes, de janvier à mars 2022. Un total de 65 élus locaux ont ainsi été sensibilisés sur les trois thèmes précités. Le Grand Lomé, comportant 13 communes, a été choisi pour démarrer cette série de sensibilisation du fait qu’il est le lieu de concentration de la population togolaise et donc un pôle de consommation par excellence. OADEL part du principe que des élus locaux sensibilisés sur les bienfondés du consommer local vont privilégier des actions favorables aux petits agricultures et éleveurs de la région maritime au Togo, notamment pour l’accès au marché de leurs produits. Cette série de rencontres sur la souveraineté alimentaire, la zone de libre-échange continentale africaine et les systèmes alimentaires territorialisés va s’étendre à d’autres communes rurales où intervient le projet « Du champ à l’assiette ». Les communes vont ainsi mesurer l’intérêt social et économique pour leur territoire de produire, transformer, distribuer, et consommer durablement. Cela favorisera leur engagement dans une coopération avec les acteurs économiques et la société civile pour la mise en place et le développement d’un système alimentaire territorialisé, durable et résilient. Soulignons que le thème sur la souveraineté alimentaire présente la différence conceptuelle et les fondements politiques entre sécurité alimentaire et souveraineté alimentaire et montre les raisons pour lesquels les pays du Sud doivent se battre pour de plus en plus de souveraineté alimentaire et non la simple sécurité alimentaire. Quant au thème de la zone de libre-échange continentale africaine, entré en vigueur depuis le 1er janvier 2020, il aborde la question de l’ouverture du marché togolais et montre que si le libre-commerce a ses avantages, il présente aussi des inconvénients pour les petits producteurs souvent livrés à eux-mêmes sur un marché où ce sont les plus gros qui mangent les petits ; d’où, la nécessité de soutenir une production locale togolaise, encore faible, face aux économies des grands pays comme le Nigéria, la Côte d’ivoire ou le Maroc. Enfin, le dernier thème : le système alimentaire territorialisé permet aux élus locaux de visualiser comment, du champ à l’assiette, un gouvernement local peut dialoguer avec les acteurs de son territoire pour construire durablement un système alimentaire de production, de transformation, de distribution, de consommation, tout en veillant au traitement des déchets. Des échanges fructueux ont permis aux élus locaux de comprendre ces notions. Tous ont pris l’engagement de mettre en place une feuille de route pour aller progressivement vers la mise en place d’un système alimentaire durable sur leur territoire. Tata Yawo AETOENYENOU, Directeur Exécutif de l’ONG OADEL (partenaire d’Elevages sans frontières)