Regard sur la période de soudure

La plupart des pays où Elevages sans frontières intervient sont marqués par des risques alimentaires qui se cristallisent souvent au court de ce qu’on appelle la « période de soudure ». On nomme ainsi la jonction entre deux récoltes, de durée très variable, précédant les premières récoltes et où les réserves de la récolte précédente sont épuisées. Les greniers sont vides et il faut pourtant aller au champ cultiver et faire face aux besoins de chacun. La réponse à cette période difficile passe notamment par une organisation de stocks de céréales ou d’animaux et une adaptation à cette période de soudure qui va varier en fonction des territoires (climat, fertilité des sols, etc.), mais aussi en fonction des communautés voire des familles (combien de bouches à nourrir, qui travaille, etc.). La durée de la période de soudure dépend donc fortement de la vulnérabilité sociale et économique des populations. Anticiper et prévenir ce moment parfois très difficile nécessite de prévoir et gérer les stocks durant 2, 3, parfois 6 mois, en fonction des personnes à nourrir, des autres sources économiques possibles et de la durée hypothétique à tenir avant les récoltes suivantes. Assurer l’alimentation de sa famille et une source de revenus monétaires nécessitent aussi une capacité de production durant la période culturale, en quantité et en qualité suffisante. Concernant les animaux, l’enjeu est d’assurer l’abreuvement et l’alimentation. Traditionnellement, les populations rurales mettent en place des stratégies d’adaptation et n’ont bien sûr pas attendu les appuis extérieurs pour chercher et trouver des solutions. Toutefois les changements climatiques, les crises sanitaires et sécuritaires bouleversent brutalement ces pratiques. Dans un contexte de crises et de risques plus élevés de catastrophes naturelles, sociales et sécuritaires, les populations peinent parfois dans ce contexte à trouver des adaptations. C’est face à cette vulnérabilité accrue qu’il est important et urgent d’agir, afin de travailler à la réduction des risques et aux moyens durables d’y faire face. Le chemin est long et parfois ardu, mais la capacité d’innovation et de résilience des populations est importante.
Zoom sur un métier pour les jeunes

Des lapins et des pintades offrent des perspectives d’avenir aux jeunes. Dans les pays où Elevages sans frontières intervient, les populations sont souvent très jeunes avec un âge médian de moins de 20 ans. La formation et l’insertion professionnelle sont donc des enjeux cruciaux pour éviter les risques de marginalisation, de précarité et de chômage des jeunes. Au Sud Bénin, des jeunes en situation de grande vulnérabilité, due à des accidents de vie, des décrochages scolaires, une absence d’accompagnement de leurs familles ou un manque de moyens matériels et financiers, ont été formés aux techniques d’élevage de lapins, animal très prolifique dont la viande est très demandée. Grâce à leur élevage de lapins, Firmin, 19 ans, a commencé son apprentissage en menuiserie et Judicaël, 20 ans, a pu s’inscrire à une formation en couture à Allada. Christine, 17ans, veut quant à elle réussir et prospérer dans son activité d’élevage, pour construire une maison pour sa famille mais aussi rendre fier son entourage. Au Nord Togo, une quarantaine de jeunes se sont formés à l’élevage de pintades au sein des Maisons Familiales de Formation Rurale*. Ils sont aussi accompagnés dans la mise en place de leurs élevages : grâce au financement de son projet par la COOPEC-SIFA**, Lare, 30 ans, a construit et équipé un poulailler. Son élevage compte 500 volailles et il a déjà gagné 2 287 € depuis le lancement de son activité en juin 2020. Sans ces appuis, il aurait cherché du travail en ville, privant les campagnes d’activités porteuses d’avenir. L’élevage lui a permis de rester dans son village et il compte aujourd’hui s’investir définitivement dans cette activité.
Au cœur des bienfaits de l’élevage familial pour faire face aux crises

L’élevage, un élément clé de la sécurisation alimentaire et filet de protection En temps de crise, l’élevage est facteur de résilience pour les populations en contribuant de différentes façons à leur subsistance quotidienne. L’élevage est tout d’abord un élément de sécurisation alimentaire par ses apports nutritifs en protéines animales (viande, lait, œufs) qui permettent tout au long de l’année de diversifier l’alimentation des ménages paysans. Par exemple, les produits laitiers sont une source de calcium indispensable au développement des plus jeunes et complètent des régimes basés essentiellement sur des céréales. Lors des périodes de soudure, où les réserves alimentaires s’épuisent et les nouvelles récoltes sont à venir, la vente d’animaux et de produits animaux apporte des ressources monétaires utilisées pour l’achat de nourriture. L’élevage est aussi une épargne à court et moyen terme, mobilisable rapidement pour des dépenses courantes (frais de scolarité, achat d’aliments) ou imprévues (maladies, accidents) et souvent vue comme plus sûre qu’un compte bancaire. La pandémie de Covid-19 a montré que l’élevage est une béquille pour de nombreux ménages ruraux accompagnés. Ceux-ci ont pu vendre une partie de leurs animaux pour pallier la fermeture des marchés et le ralentissement des échanges économiques sur leurs territoires. Par ces différentes contributions, l’élevage permet aux paysans d’atténuer et de prévenir les risques alimentaires et économiques. Pendant le confinement sanitaire, les éleveuses ont aidé des familles à se nourrir avec leur lait de chèvre. L’élevage, un levier d’insertion socio-économique des publics marginalisés Pour les catégories de populations les plus défavorisées comme les femmes, les jeunes, migrants et réfugiés, les périodes de crises structurelles ou conjoncturelles renforcent les inégalités sociales existantes. Ces populations ont très peu accès à des ressources pour produire, que ce soit des animaux, des terres, etc. Quand elles y ont accès, la question de la propriété et du contrôle des cheptels et des parcelles est primordiale pour pérenniser l’activité économique et faire que ses retombées bénéficient bien à celles et ceux qui travaillent. ESF intègre de manière transversale cette problématique dans son action en ciblant ces publics fragiles comme prioritaires et en adaptant les actions à leurs problèmes spécifiques. Les projets s’appuient sur le principe du « microcrédit en animaux », qui permet la responsabilisation des éleveuses et éleveurs sans les confronter à des microcrédits monétaires. Le risque du surendettement est ainsi évité pour les populations les plus fragiles. Pour les populations précarisées, les petits élevages mis en place sont des facteurs d’intégration sociale grâce aux fonctions sociales et culturelles que remplit l’élevage (dons d’animaux pour les fêtes culturelles et religieuses notamment). Une fois l’activité constituée et maitrisée, cela représente pour ces individus isolés une source d’aliments non négligeable et de nouveaux revenus leur permettant de sortir de la situation de pauvreté dans laquelle ils se trouvaient. Les petits élevages sont un moyen d’enrayer la spirale de la pauvreté. L’élevage tend à réduire les risques face aux aléas climatiques Les paysans les plus vulnérables dans les pays en développement où agit l’association paient le lourd tribut du dérèglement climatique. Les variabilités climatiques, telles que les irrégularités de la pluviométrie, les sécheresses prolongées et les inondations fragilisent leurs moyens d’existence. Pour les agroéleveurs accompagnés, les stratégies d’adaptation développées permettent une diversification des productions végétales et animales pour répartir les risques et gagner en autonomie financière. L’intégration culture-élevage contribue à construire une transition vers des systèmes agricoles et des pratiques agroécologiques durables. L’utilisation du fumier composté dans la fertilisation des sols de culture ou pâturage permet le stockage du carbone et un gain de rendements des cultures vivrières et de vente. L’accompagnement technique d’ESF permet de vulgariser des pratiques innovantes pour s’adapter à ces nouvelles conditions et sécuriser les activités de petit élevage : le stockage de fourrage et l’introduction de culture fourragère pour l’alimentation animale. Enfin, en soutenant l’organisation des filières sur les territoires, ESF contribue à plus de valorisation des produits animaux et au développement de filières courtes, moins carbonées et plus rémunératrices pour les éleveuses et éleveurs. Les élevages familiaux contribuent au maintien de la fertilité des sols, à la biodiversité et à l’amélioration des cultures. Utilisation des déjections des animaux pour une meilleur fertilité des sols.