Au Burkina Faso, les éleveurs laitiers doivent faire face à une concurrence déloyale avec l’importation croissante de poudre de lait réengraissée avec de l’huile de palme, organisée par des multinationales européennes qui profitent de ce produit d’importation abondant et bon marché. Deux à trois fois moins cher, cette poudre de lait importée concurrence durement le lait local.
La production locale ne couvre pas tous les besoins : 72% pour le Burkina Faso (en 2015). Ce qui est honorable pour le pays par rapport à d’autres pays de la sous-région. Mais la quantité de lait local valorisé demeure encore faible. Les zones de production sont éloignées et la production demeure très saisonnière car l’alimentation des animaux reste difficile en saison sèche. Il est par ailleurs plus facile de conserver et de transformer du lait en poudre que du lait local pour lequel les exigences en termes de maintien de l’hygiène et de la chaine du froid sont indispensables.
Pourtant le potentiel est là et l’élevage constitue un levier pour combattre la pauvreté notamment celle des éleveurs burkinabè, et fournir des produits locaux de qualité aux habitants du Burkina Faso. L’élevage fait vivre, génère des revenus et contribue à la sécurité et à la souveraineté alimentaires du pays. Les femmes sont très impliquées dans les activités d’entretien du bétail, de traite, de transformation et de commercialisation du lait ; et ce malgré les inégalités d’accès à des biens, des services ou des sphères de décision occasionnées par la société encore très patriarcales dans laquelle elles évoluent. Par ailleurs, elles sont cantonnées à certaines sphères et une bonne part de leur investissement demeure invisible et soumis à des violences économiques, psychologiques, physiques ou sexuelles. Ces potentiels ont donc du mal à s’exprimer pleinement d’autant plus que le Burkina Faso doit se montrer résilient face à la situation économique (inflation), sécuritaire (terrorisme) et climatique (réchauffement) à laquelle il fait face.
En 2015, la Cedeao a lancé une « offensive lait » avec notamment une campagne « Mon lait est local » dans 6 pays dont le Burkina Faso. ESF et ses partenaires APIL et Batik International soutiennent ce plaidoyer et y contribuent à travers les activités des projets « La Voie Lactée des Femmes de l’Oubritenga » et « Parions l’Egalité », à savoir :
- L’amélioration des capacités et des moyens des ménages d’éleveurs pour la production, la collecte, la transformation et la commercialisation du lait local.
- Le renforcement de l’organisation des femmes et de leurs connaissances en matière de droits.
- Une sensibilisation des communautés rurales et urbaines à travers la promotion d’une culture d’égalité.
Découvrez les avancées de notre action sur ces trois volets :
Des animaux, des formations et une unité laitière pour plus de produits laitiers locaux
Avril 2023 : 28 vaches laitières ont été octroyées à 28 éleveuses préalablement formées aux itinéraires de production pour un meilleur entretien des animaux sur le plan de l’habitat, de l’alimentation, de la santé et de la conduite. L’unité laitière « La Voie Lactée » a été terminée et équipée et ses trois transformatrices ont été formées par APIL aux techniques d’entretien des locaux et des équipements, à la pasteurisation et à la confection de yahourt et de gapal. Ce sont elles qui réceptionneront et valoriseront le lait trait par les ménages d’éleveurs de la zone d’intervention et apporté par les 15 collecteurs formés (par APIL aussi) dans le cadre du projet.
Un réseau de femmes relais pour renforcer les connaissances en matière de droits des femmes
Février – Mars 2023 : 12 femmes de 6 villages ont été formées par une experte en droits humains sur les droits spécifiques des femmes, le leadership féminin et le plaidoyer. La formation a été restituée dans les villages avec l’appui de l’experte et d’APIL. Les chefs coutumiers présents lors de la restitution ont reconnu ces droits ainsi que le déploiement et le mandat de ces femmes relais qui seront motrices dans l’émergence et le portage d’un plaidoyer féminin dans les groupes féminins et dans les cadres de concertations villageois, communaux et provinciaux.
A travers ces formations, les connaissances et les capacités endogènes sont renforcées : les savoirs des femmes sont augmentés ; des femmes leaders sont confortées dans leurs rôles ; de nouvelles sont identifiées et prennent confiance en elles ; un plaidoyer s’organise pour surmonter les contraintes locales.
Du théâtre et du dessin pour sensibiliser les communautés sur les bienfaits d’une égalité de genre
Mars – Avril 2023 : la troupe de théâtre Bassy de Ziniaré a élaboré une saynète théâtrale pour informer et sensibiliser sur la nécessité de maintenir de bonnes conditions d’élevage et de préserver les droits des jeunes filles et des femmes comme l’accès à la formation, la participation à la prise de décision, l’accès à la propriété, la protection face au mariage forcé ou précoce. La pièce fait aussi la promotion des bienfaits du lait de chèvre encore faiblement valorisé au Burkina Faso. Elle sera jouée dans les 6 villages d’intervention du projet courant – juin et en 2024 et sera améliorée au fur et à mesure des représentations et des messages que souhaitent véhiculer les éleveuses.
A côté de cela, des dessins présentant les violences et les inégalités entre hommes et femmes ont été réalisées par l’artiste Main2DIEU, lors d’une session de formation dédiée à l’égalité de genre et organisée par Batik International. Les 60 dessins ont été valorisés dans le cadre d’une exposition lancée à Ouagadougou et sera itinérante au Burkina FASO et au-delà pour contribuer au développement de cette culture d’égalité.
A bientôt pour d’autres nouvelles des projets « Voie Lactée » et « Parions l’Egalité » !