Dans 6 villages de la province de l’Oubritenga, au Burkina Faso, des femmes changent leur quotidien grâce à l’élevage. Porté par l’ONG burkinabè APIL avec l’appui d’Elevages sans frontières, le projet La Voie Lactée des Femmes de l’Oubritenga soutient l’autonomisation des femmes rurales à travers l’élevage laitier. Ce projet est bien plus qu’un simple soutien matériel et pédagogique : il transforme les rapports de genre, crée du lien social et redonne espoir et perspectives aux bénéficiaires.
Reprendre le pouvoir sur sa vie grâce à l’élevage

Dans une société où l’élevage est souvent réservé aux hommes, Aminata Rouamba, 50 ans, témoigne :
« Ici, la femme n’est pas permise de posséder des animaux. Ma tâche était de prendre soin des animaux de mon mari. Avec l’arrivée du projet, j’ai pu avoir mon propre animal. Un grand changement se ressent en moi : j’arrive à avoir des revenus grâce à la vente du lait. »
Le projet lui a permis d’accéder à des formations sur les bonnes pratiques d’élevage et sur la production fourragère. Aujourd’hui, elle se sent plus confiante, responsable et fière d’être marraine pour d’autres femmes. Le lien entre éleveuses s’est renforcé :
« Ensemble, nous échangeons des conseils et nous nous soutenons mutuellement. »
De la précarité à la résilience

Asseto Bandé, mère de cinq enfants, a reçu trois chèvres :
« Avant, ma vie était en pleine difficulté. Grâce à ce projet, j’ai non seulement reçu des animaux mais aussi une formation sur leur gestion. Ces chèvres ne sont pas seulement des animaux pour moi : elles transforment ma vie. »
Grâce au lait produit, elle peut générer un revenu complémentaire pour subvenir aux besoins de sa famille.
Elle souligne cependant un défi partagé par plusieurs bénéficiaires : la difficulté d’accès aux soins vétérinaires.
Des connaissances transmises au service d’un entrepreneuriat féminin

Guidi Barry, éleveuse veuve mais expérimentée, a vu sa pratique évoluer grâce au projet :
« Nous n’avions pas l’habitude de faire la stabulation* mais avec ce projet, nous avons compris qu’il y va de la sécurité et de la santé de nos animaux. »
Les formations reçues lui ont permis d’améliorer l’alimentation de ses chèvres et leur suivi sanitaire. Résultat : elle est passée de 3 à 16 chèvres.
« Le plus important selon moi, c’est cet esprit d’entrepreneuriat au féminin qui fait de nous des femmes autonomes. »
Elle rencontre néanmoins des difficultés : avoir des semences fourragères adaptées au changement climatique, accéder à l’eau potable et avoir une présence vétérinaire régulière.
*La stabulation consiste à maintenir des animaux de manière saisonnière ou permanente dans un espace clos, couvert ou non, tout en leur assurant une bonne alimentation.
Une filière locale dynamisée par la transformation du lait
Le projet soutient également la transformation et le conditionnement en produits laitiers, un maillon essentiel pour améliorer la valorisation du lait local. Suzanne Marie Zabranba, transformatrice, collecte jusqu’à 300 litres de lait par semaine pour produire du yaourt, du gapal** ou encore du lait frais.
« Grâce à la qualité des produits, une clientèle fidèle s’est constituée. »
Le lait transformé provient des vaches laitières gérées par les éleveuses bénéficiaires. La vente de ce lait renforce leurs débouchés économiques et participe à la structuration d’une filière locale inclusive. Le lait est acheminé, grâce à des collecteurs formés et équipés par le projet, jusqu’à une unité laitière dont la gouvernance est assurée par les éleveuses fournisseuses.
3 transformatrices ont été formées aux techniques de contrôle, de transformation et de stockage du lait et de ses produits dérivés et ont pu équiper la laiterie de « La Voie Lactée des Femmes de l’Oubritenga ». Ce sont ainsi près de 300 litres qui sont collectés chaque semaine et qui sont vendus frais ou bien transformés en yahourt ou en gapal.

Mais la transformation rencontre elle aussi des limites comme l’explique Suzanne Marie Zabanbra :
« La production chute pendant la saison chaude (de mars à juin). Le carême musulman tombe actuellement pendant cette période et il nous est encore plus difficile de satisfaire la demande. »


**Boisson traditionnelle d’origine peule, désaltérante, nutritive aux fortes propriétés probiotiques constituée de lait fermenté ou de yaourt auquel est incorporé de la farine de petit mil, du sucre et/ou d’autres ingrédients (dattes pilées, farine de pain de singe issue du fruit du baobab) ou aromates (gingembre, menthe).
Avec le projet La Voie Lactée des Femmes de l’Oubritenga, l’élevage devient un véritable moteur d’autonomie, de dignité et de solidarité pour les femmes rurales, tout en dynamisant les économies locales. Derrière chaque animal, chaque litre de lait transformé, c’est une histoire de résilience qui s’écrit avec des femmes qui se lèvent chaque matin, un peu plus libres, un peu plus fortes.
