Zambie : des chiens pour protéger le bétail

En bordure d’un parc national de Kafue en Zambie, la coexistence Homme-faune sauvage est un défi majeur pour les populations locales que nous accompagnons dans le cadre du projet ‘Des Lions et des Vaches’. Dans cette zone, les éleveurs perdent régulièrement du bétail notamment à cause de la prédation des félins sauvages. Pour limiter ce phénomène, notre partenaire Melindika a mis à l’essai la mise en place de chiens de garde dans quelques sites d’élevage bovins. Après des entretiens et visites, 5 bénéficiaires disposant d’enclos renforcés ont ainsi été identifiés. La formation des éleveurs Avant de recevoir leur chiot, les éleveurs ont suivi une formation mise en place par Melindika avec l’aide d’une éducatrice canine de Lusaka. L’objectif de cette formation était de leur expliquer les modes de conduite d’un chien de garde de troupeau et les différentes règles à respecter en termes d’alimentation, de santé, de bien-être et sur l’éducation du chiot. La sélection des chiots En ce qui concerne la sélection des chiots, le choix s’est porté sur des races locales qui sont plus adaptées au terrain et moins couteuses. Des chiots de différentes origines ont été sélectionnés. Notre intention étant de comparer s’il y aura des différences dans les résultats par la suite : 3 chiots provenant d’un refuge à Lusaka : des tests de comportement ont été effectués avec une comportementaliste canine italienne, Alexa Capra, afin de sélectionner des chiots calmes, sociables, pas très joueurs et pas agressifs. 2 chiots provenant d’Itezhi-Tezhi, ville proche de la chefferie de Musungwa : chiens que les communautés peuvent trouver autour de chez elles. Dans ce cas, le choix des animaux étant souvent restreint à l’état de santé, il a été plus difficile de mettre en place les tests. Le traitement (vaccination, antiparasitaires et stérilisation) et le suivi de santé des chiots ont été assurés par Melindika. Une formation aux bonnes pratiques de dressage et de soins pour les chiens a également été dispensée. Le placement des chiots dans les élevages Durant les mois de juin et juillet, 5 chiots ont été placés dans les élevages. Lors du placement, l’état de l’enclos est vérifié (capable d’accueillir un chiot sans danger). Puis chaque éleveur a construit un abri pour le chiot à l’intérieur de l’enclos. Tout le matériel et la nourriture nécessaire ont également été fournis au démarrage de l’activité. Suite au placement, des visites de contrôle régulières ont été organisées et seront réalisées au cours des prochains mois par le référent local Boyd. Les premiers constats : les chiots se sont bien adaptés et ont déjà créé des liens intéressants avec les veaux. Ils se sont bien appropriés les enclos ainsi que leurs abris. Certains chiots suivent déjà le troupeau et le berger dans des sorties très proches de l’enclos. Un des chiots a même alerté son propriétaire alors que des hyènes rodaient autour de l’enclos la nuit. Concernant la suite de l’expérimentation, il est prévu le protocole suivant : 2-4 mois : le chiot reste dans l’enclos renforcé, la journée avec les veaux et la nuit avec l’ensemble du troupeau. 4-6 mois : le chiot peut commencer à suivre les veaux qui commencent à sortir, soit sur une demi-journée ou toute la journée (toujours accompagné de quelqu’un pour surveiller le troupeau et le chiot). > 6 mois : le chiot peut sortir tous les jours avec le troupeau (toujours accompagné de quelqu’un pour surveiller le troupeau et le chiot). Le suivi régulier permettra d’affiner nos pratiques en matière de protection de bétail et de trouver la démarche le plus efficace pour permettre aux communautés de monter des projets similaires d’elles-mêmes. Pour l’instant, on observe un fort investissement et des prises d’initiatives pertinentes de la part des éleveurs du projet, ce qui est encourageant pour la suite ! Thibault Queguiner, Responsable projets

Burkina Faso : du théâtre pour mieux parler Élevage et Égalité des chances

Au Burkina Faso, le lait local n’intervient que faiblement dans les circuits de commercialisation et de transformation, ce qui conduit le pays à importer chaque année des quantités croissantes de lait en poudre. Conscient des bienfaits nutritionnels et de la rentabilité du lait local, l’ONG APIL et Elevages sans frontières se sont donnés pour objectif de défendre le lait local à travers la mise en œuvre du projet La voie lactée des femmes de l’Oubritenga (VLO) dans 6 villages de la région du Plateau Central, notamment la province de l’Oubritenga. Ce projet vise à soutenir 150 femmes ainsi que leurs familles dans l’amélioration de leur cheptel laitier, à optimiser leur production laitière et à multiplier leurs revenus issus du lait local. Ce projet a débuté en octobre 2020. Depuis, il a permis de renforcer les connaissances des bénéficiaires en élevage avec le travail d’itinéraires d’élevage bovin et caprin laitiers, de dispenser des formations en élevage adaptées au contexte environnemental, sécuritaire et aux exigences de la production laitière avec notamment une complémentarité cultures-élevages et enfin d’améliorer et de renforcer les sites d’élevage (animaux, bâtiment, alimentation animale, semences fourragères). A cette étape du projet un autre partenaire Batik International nous a rejoint pour mener un diagnostic genre et mettre en lumière l’implication des femmes dans la filière mais aussi les freins, les inégalités et les violences qu’elles vivent et qui handicapent le développement de leur entrepreneuriat et de la société en général. Batik international a apporté une plus-value à notre intervention. Ainsi l’axe transversal du projet « Défense des droits et de l’autonomisation des femmes » est complété par le projet « Parions l’égalité » qui veut contribuer à la réduction des inégalités liées au genre en favorisant l’insertion socio-économique des zones urbaines et rurales. Pour ce faire, une campagne de sensibilisation a été réalisée la semaine du 29 mai au 3 juin 2023 à travers des théâtres forum. L’objectif étant de sensibiliser les bénéficiaires au comportement des communautés dans les 6 villages du projet VLO. La troupe théâtrale Bassy de Ziniare a ainsi joué des saynètes autour des thématiques d’élevages durables et résilients, de l’entrepreneuriat féminin, de l’égalité des chances et du produire/transformer/consommer local. Les objectifs visés par cette campagne de sensibilisation étaient d’encourager le développement de bonnes pratiques d’élevage, d’amorcer une réflexion et un dialogue autour de l’égalité des droits entre hommes et femmes et de renforcer la connaissance et la capacité de choix des consommateurs pour un soutien aux économies locales. Le bilan de la semaine fut satisfaisant à en croire les participants. En témoignent les retours recueillis au terme des sensibilisations : « Cela fait plus de 30 ans que je vis à Lelexé, je n’avais jamais assisté à un théâtre forum. J’ai apprécié cette expérience. C’est certes une mise en scène comique mais le théâtre fait ressortir le quotidien des femmes et des hommes. Des messages forts ont pu être transmis. Je pense que chacun a pu tirer des leçons de cette activité et je remercie l’ONG APIL, Elevages Sans Frontières et Batik International pour cette belle opportunité. » Boukaré Diandé du village de Lelexé « Merci au projet et à ses partenaires d’avoir pensé à nous. Ce que nous pensions et ce que nous ne pouvions pas dire aux hommes, vous l’avez dit aujourd’hui et c’est une grande avancée. De par les différentes réactions pendant et après le théâtre forum, je crois fortement à un changement pour permettre une égalité de chances à tous et à toutes. » Awa OUEDRAOGO du village de Tamasgo De notre passage dans les 6 villages, nous avons constaté que l’insécurité du pays limitait les communautés à se retrouver. Cette campagne de sensibilisation a permis les retrouvailles dans une ambiance ludique et conviviale. Une des participantes a avoué que cela faisant très longtemps qu’elle n’avait pas autant rit. Ce fut un plaisir de voir ces personnes s’en réjouir, d’oublier leurs soucis et de croire en un avenir meilleur. De telles activités sont donc à perdurer. Article rédigé par le département de la communication et de la mobilisation des ressources de l’ONG APIL le 3 juin 2023.

Paroles de : Abdoulaye ADAM, un partenaire engagé

« Je suis Abdoulaye ADAM, Directeur d’ENPRO*, ONG togolaise qui défend depuis 1999 des valeurs à la fois sociales et environnementales. Nous collaborons avec Elevages sans frontières depuis 2021 en particulier sur le projet « Du champ à l’assiette ». Nous nous mobilisons pour lutter contre l’appauvrissement des sols et la dégradation de l’environnement tout en fournissant des emplois aux hommes et femmes à travers le développement d’une activité économique durable. En promouvant des pratiques agroécologiques, nous agissons pour la préservation de l’écosystème par la production du compost pour restaurer et emblaver des sols dégradés par les intrants chimiques et par la valorisation des sachets plastiques pour empêcher leur incorporation aux sols. Chez ENPRO, nous prônons le compostage familial ou individuel auprès des agriculteurs et éleveurs. Plus largement, notre objectif est de vulgariser cette pratique sur tout le territoire national par la mise en place de sites de compostage dans chacune de nos régions. ENPRO souhaite également mettre en place un centre de formation en promouvant l’agroécologie. » *Écosystème Naturel Propre (ENPRO) Nous avons tous pour ambition, comme le dit notre slogan, de laisser « Une belle terre pour nos enfants.» Abdoulaye ADAM, Directeur d’ENPRO

Zoom sur une réussite : hygiène et contrôles à toutes les étapes

Au Maroc, dans la région d’Ouarzazate, la coopérative laitière COROSA, implantée avec l’aide d’Elevages sans frontières, a pour priorité la santé humaine en fournissant des produits laitiers de qualité et sains, respectant les normes de sécurité sanitaire. Cette attention débute dès la traite, chez les éleveuses. Puis, dans chaque village, une femme leader est responsable de la collecte du lait et s’assure de la bonne qualité du produit : elle lave, désinfecte les citernes et teste le lait de chaque femme (test organoleptique et de l’acidité). Elle doit respecter les bonnes pratiques d’hygiène et accompagne les femmes pour s’assurer de l’état sanitaire des chèvres (mammite, utilisation de traitements, etc.). Afin de garder un produit frais, le lait est prélevé de 5h30 à 8h par le collecteur et testé à la réception. Cette recherche de qualité et d’hygiène s’effectue donc à chaque étape, de la collecte à la transformation. La collecte de lait à Tazroute Le contrôle qualité chez COROSA La transformation du lait en fromage Ce processus s’est renforcé depuis l’obtention de l’agrément sanitaire en 2016. Ainsi, l’Office National de Sécurité Sanitaire et Alimentaire (ONSSA) effectue un contrôle pluriannuel à la fromagerie pour s’assurer du respect des conditions d’hygiène et des consignes indiquées. Un ensemble de fiches de qualité est rempli au quotidien, pour chaque étape du processus, depuis la collecte jusqu’à la livraison et le nettoyage. Des analyses annuelles sont faites pour le lait, l’eau et tous types de produits. L’entretien, la maintenance et l’étalonnage du matériel se font également chaque année. Le personnel doit aussi avoir des attestations sanitaires qui assurent sa sécurité et préviennent des maladies infectieuses. L’ensemble de ces fiches et normes est ensuite contrôlé par le service de l’ONSSA. Les retours positifs de l’ONSSA et des consommateurs sont une belle reconnaissance pour les éleveuses, pour Corosa et ses partenaires. Aline Migault Chargée de mission

Flash Actu : Pourquoi un nouveau centre de soutien à l’élevage en Zambie ?

En décembre dernier, un centre communautaire de soutien à l’élevage a ouvert ses portes dans la Province Centrale de Zambie. Il se situe au sein de la chefferie Musungwa, à Basanga, village principal des communautés bénéficiant du projet. Il appartient à SOLEWE, société à responsabilité limitée zambienne créée en mars 2021 par Melindika. Cette association partenaire a pour objectifs de soutenir l’autonomie des familles rurales, améliorer leurs conditions de vie et gérer durablement les ressources naturelles locales. Mais à quoi va servir ce centre ? Il permettra de rassembler et consolider les services vétérinaires dispensés au sein de la chefferie, de renforcer l’implication des acteurs locaux dans la gestion collective de la santé animale et des ressources naturelles et enfin, d’agir contre les attaques de lions à la frontière du Parc National de Kafue. Il est géré par 5 Assistants en Santé Animale (ASA) formés par Melindika, chacun issu d’un village différent. La vente de médicaments, des conseils et des actes vétérinaires y sont proposés. Une pharmacie vétérinaire centralisée est implantée avec un réfrigérateur contenant les vaccins. Il dispose par ailleurs d’un espace de stockage, de formation et de regroupement pour les éleveurs ainsi que d’un atelier de construction de harnais pour les ânes. Afin de bénéficier des avantages du centre, les éleveurs devront être organisés en coopérative. Cela leur permet de devenir de véritables acteurs du développement de l’élevage local. Ils auront droit gratuitement à une inspection annuelle de leur ferme ainsi qu’à une visite annuelle d’un ASA leur permettant d’obtenir un registre d’élevage. Ils suivront deux formations gratuites par an sur la santé animale et pourront participer aux programmes de recherche vétérinaire réalisés par des volontaires de Melindika. Des prix réduits sur les campagnes de vaccination leur seront proposés. Enfin, les coûts engendrés par le déplacement d’un ASA lors d’une consultation ne sera pas à régler, ils seront pris en charge grâce à leur cotisation. Bien entendu, tous ces services restent accessibles aux éleveurs ne souhaitant pas s’organiser en coopérative, moyennant finance. Une ère nouvelle s’ouvre pour l’élevage traditionnel de la chefferie Musungwa ! Laura Guido, Chargée du projet « Des Lions et des Vaches »

Au coeur du terrain : « Une seule santé », comment agir concrètement ?

LE SAVIEZ-VOUS ? 75 % des maladies infectieuses humaines émergentes ont une origine animale. _Organisation mondiale de la santé animale Ces maladies, transmises des animaux à l’homme sont appelées zoonoses : il en existe plus de 200 types connus (OMS). Cette transmission peut se faire lors d’un contact direct entre un animal et un être humain, en consommant des aliments contaminés (viande, lait, etc.), ou encore par la présence d’un environnement contaminé (eau, sol, air). Selon l’organisation mondiale de la santé animale, l’approche « une seule santé¹ » résume un concept connu depuis plus d’un siècle, à savoir que la santé humaine, la santé animale et la santé végétale sont interdépendantes et liées à celle des écosystèmes dans lesquels elles existent. Dans un contexte où de nouvelles maladies humaines apparaissant chaque année dans le monde sont en partie d’origine animale, Elevages sans frontières a décidé depuis plusieurs années d’agir pour l’intégration de l’approche « une seule santé » dans son action. Pour les pays dits « à faible et moyen revenus » où nous intervenons, l’élevage contribue à la subsistance et à l’alimentation des populations rurales vulnérables. Il est donc crucial de protéger et de sécuriser leur avenir en protégeant leurs animaux et les écosystèmes où ils vivent afin de préserver la sécurité sanitaire et la sécurité alimentaire sur ces territoires. Comment Elevages sans frontières et ses partenaires intègrent cette approche sur le terrain ? En contribuant au développement d’élevages sains et viables Les maladies animales peuvent impacter la santé et les maladies humaines, celle des animaux domestiques et sauvages. Selon les études récentes², plus de la moitié des agents pathogènes causant des maladies humaines sont d’origine animale et contribuent au développement de maladies infectieuses. De plus, les principaux facteurs causant de lourdes pertes dans les élevages et menaçant les revenus des éleveur·euse.s soutenus par nos projets sont dus aux maladies animales et à l’absence de services vétérinaires. En s’alliant à des acteurs experts de la santé animale et des services vétérinaires privés et publics pour sensibiliser et former les éleveur·euses·s aux bonnes pratiques, nous agissons pour la bonne santé des animaux et l’amélioration des conditions d’élevage. Au Togo dans la région des Savanes, la santé et le bien être animal des élevages de pintades sont garantis par l’apport de savoir-faire, de moyens matériels et la mise en place de services vétérinaires de proximité. L’objectif est d’améliorer au quotidien la conduite des animaux et les infrastructures d’élevage et ainsi de diminuer les maladies animales impactant la productivité des activités économiques des éleveur·euses. En contribuant au développement d’élevages sains et viables La perte de biodiversité et l’intensification des activités humaines font partie des causes de l’émergence de nouvelles maladies : l’élevage industriel, la consommation de viande de brousse ou la déforestation non contrôlée augmentent les risques d’apparition et de diffusion de zoonoses. Pour lutter contre ces dérives et pratiques dévastatrices, nous soutenons le développement de systèmes agricoles intégrés et mobilisons des moyens techniques et financiers pour accompagner la transition agroécologique dans les exploitations agricoles accompagnées. En Haïti, les jeunes éleveur·euse·s de la commune de Belladère apprennent, via les rencontres des « écoles paysannes », à améliorer la santé de leurs sols en produisant des engrais verts à la place des intrants chimiques, à associer cultures fourragères et cultures vivrières et à développer plus de complémentarités culture-élevage. Un ensemble de pratiques et connaissances qui leur permet d’augmenter la production en lait de leurs vaches, les revenus issus de leur élevage et les détournent de la production de charbon de bois néfaste pour leur environnement. En encourageant la valorisation et la commercialisation de produits animaux de qualité Plus de 70 %³ de protéines animales supplémentaires seront nécessaires pour nourrir le monde d’ici à 2050. Leur consommation en milieu rural et urbain est trop faible dans les pays où nous intervenons, particulièrement pour les femmes et les enfants. Pour subvenir aux besoins nutritionnels et alimentaires de leur population, ces pays sont de plus en plus dépendants d’importations en produits animaux de piètre qualité issus d’activités agroindustrielles fortement carbonées. Les acteurs des filières animales quant à eux peinent à développer leur offre de produits. Le manque de moyens techniques et financiers et l’absence de services de contrôle limitent leurs capacités à développer une transformation et un conditionnement assurant la sécurité, l’hygiène et la salubrité des produits. En contribuant à la diversification de l’offre locale de produits animaux en circuits courts et à l’amélioration des conditions de transformation, ESF favorise l’accès à des produits sains et de qualité pour tous. Au Burkina Faso à Ziniaré, les femmes de l’Oubritenga sont impliquées dans la collecte et la transformation du lait grâce à une laiterie en création. Pour garantir la sécurité sanitaire et la qualité alimentaire des produits laitiers commercialisés, éleveuses, collecteurs et transformateurs sont sensibilisés et formés à la maîtrise des conditions d’hygiène et des bonnes pratiques de transformation. Ainsi par l’échange de savoirs et de savoir-faire promus par et auprès de l’ensemble des acteurs des chaines de valeur de l’élevage, ESF entend soutenir et diffuser une communauté de pratiques saines, responsables et respectueuses de la santé unique. Thibault Queguiner, Responsable projets ¹ et ² OMSA, Une seule santé – site web, 2023³ FAO, 2011. L’élevage dans le monde en 2011 – Contributionde l’élevage à la sécurité alimentaire

Le retour d’expérience d’un donateur en visite au Togo !

Qui êtes-vous ? Depuis quand soutenez-vous ESF ? Philippe Renou, 66 ans, pisciculteur retraité, ingénieur en agriculture de l’ISAB. Je soutiens occasionnellement Elevages sans frontières depuis quelques années et régulièrement depuis peu. L’approche « Qui reçoit… donne » et la spécificité « agricole » ont attiré mon attention et rendent cette association humanitaire un peu différente des nombreuses autres associations. D’autre part, les appels à dons ne sont pas misérabilistes mais plutôt positifs et enthousiastes. Qu’est-ce qui vous a motivé à nous contacter pour aller découvrir un de nos projets d’intervention ? Le hasard m’envoie au Togo en avril 2023 (mariage d’une cousine) et je me suis souvenu qu’ESF œuvrait là bas. Les témoignages des éleveurs du Togo m’avaient touché dans les comptes rendus d’ESF. J’ai eu très envie de rencontrer ces éleveurs et me suis donc rapproché d’ESF France pour savoir si cela serait possible. Pauline Casalegno, Directrice d’ESF, Natalia Dhalluin, Chargée de communication et Marina Njaki, Chargée des relations donateurs, m’ont reçu aimablement au siège de Wasquehal. Après un rappel de l’historique d’ESF, elles m’ont décrit le fonctionnement actuel de l’association, les missions en cours et celles en projet ainsi que les moyens humains et financiers. Elles ont accepté que je puisse me rendre sur place, échanger avec les partenaires ESF Togo ainsi qu’avec des bénéficiaires des aides. Elles souhaitaient vivement un petit compte rendu de mon séjour et de mes rencontres au Togo. Qui avez-vous rencontré sur place au Togo ? Non sans quelques difficultés pratiques liés au Togo (pas d’adresse précise, pas de Google Maps…), mais grâce à l’organisation d’ESF France et ESF Togo et à mon nouvel ami togolais Edmond, j’ai eu le plaisir de rencontrer, au siège de l’association à Lomé, Sylvie Tchacolow-Tagba, Directrice, Moyeme Foyeme, Assistante et Abalo Alfado, Animateur technicien d’ESFT. Les échanges ont été sympathiques et très enrichissants. Où êtes-vous allé ? Sur quel projet ? Mes interlocuteurs m’ont confirmé qu’il n’était pas prudent de se rendre sur le lieu du projet Or Gris des Savanes (au Nord du Togo), étant donné la proximité avec le Burkina Faso et le climat politique… De plus, c’était compliqué compte tenu du temps de trajet… J’étais donc invité à découvrir le projet Du Champ à l’Assiette à environ 1h de la capitale. Accompagné d’Abalo et Edmond, avec un véhicule gentiment prêté par une connaissance sur place, je me suis rendu dans le secteur de Nyegbé. Les routes et la conduite sont un peu différentes de ce qu’on connait en France… Terminant par quelques kilomètres de chemin à peine praticable, nous sommes arrivés au lieu de rendez-vous. Abalo avait parfaitement organisé la rencontre avec les adhérents (bénéficiaires) de la coopérative Tarkpare qui nous attendaient. Des échanges eurent rapidement et facilement lieu avec, le plus souvent, l’aide des interprètes Edmond et Abalo ! Toutes les personnes rencontrées ne parlaient pas le français (mais le comprenaient en général). Puis visites de 2 élevages de chèvres associés à des élevages de poulets et moutons sans compter les cultures avoisinantes de ces petites exploitations. Est-ce qu’il y a une différence entre ce que vous avez vu et ce que vous imaginiez ? Je n’imaginais pas grand-chose avant de me rendre sur place, mais j’étais incapable d’imaginer les conditions de vie des paysans togolais : des ressources financières quasi-nulles, des conditions de vie très dures (ni eau courante, ni électricité, des logements réduits au strict minimum, un travail très dur physiquement…) et , malgré cela, de l’optimisme, de l’enthousiasme, la foi en des jours meilleurs… L’entraide entre eux m’a marqué, le conseiller-technicien semble très proche des éleveurs. J’ai également échangé rapidement avec des adolescents, fils d’une éleveuse, en formation professionnelle (électricité, maçonnerie) : leur détermination à se sortir de leur situation tout en souhaitant poursuivre leur activité d’élevage et aider leur mère m’ont interpellé. Qu’est-ce qui vous a marqué durant cette visite ? Qu’avez-vous retenu ? J’ai réalisé que : Quelques dizaines d’euros pour chacun d’eux était énorme, La priorité des personnes rencontrées était de pouvoir scolariser leurs enfants, Quelques chèvres représentent un capital assurance-vie ; en cas de grave problème de santé, vendre une chèvre donnera les moyens financiers de se rendre chez le médecin ! Ces éleveurs (éleveuses en majorité) sont des personnes admirables, courageuses, intelligentes, pleines de bon sens, positives… J’ai eu honte de leur reconnaissance à mon égard tant elles sont bien plus méritantes que moi. Avez-vous quelque chose à ajouter ? Il est étonnant que la vie soit si dure au Togo, tant pour les « citadins » que pour les « villageois » ; j’ai vu des paysages luxuriants, des terres fertiles, le grand port de Lomé, des gens tellement gentils et généreux… J’ai très envie de mieux connaitre ce pays et ses habitants. ESF a déjà permis de réaliser beaucoup de choses au Togo. Leur communication et argumentaires sont parfaitement fidèles à la réalité ! De très nombreuses personnes m’ont touché, je souhaite les revoir en espérant que leur situation se sera un peu améliorée et je souhaite y contribuer. Philippe Renou

Zahra accompagne les éleveuses sur le volet environnement au Maroc

Zahra Jamil, animatrice sur la thématique environnement du projet « Envol des femmes » au Maroc nous partage son expérience Mon nom est Zahra JAMIL, j’ai 27 ans, je viens d’un petit village appelé “Tassaouant” à côté d’Agdez, au Sud de Ouarzazate. Je suis mariée. J’ai fait une formation agricole et eu mon diplôme de technicienne spécialisée en commercialisation des intrants agricoles en 2018. Je travaille avec l’association ROSA depuis juillet 2019. Je suis animatrice et responsable sur la thématique environnement pour le projet « Envol des Femmes« . A travers les visites régulières sur le terrain, je constate l’impact positif et significatif du projet sur les femmes, notamment sur leurs connaissances en élevage et en agroécologie. Aussi, elles gagnent en confiance, leurs prises de parole et de décisions dans les groupes et réunions sont plus aisées, de même au sein de leur foyer, avec leurs familles. Ce que j’apprécie dans ce travail c’est d’être au contact de la terre et des animaux, suivre les brebis et les chèvres. La routine n’a pas sa place avec les femmes que j’accompagne dans les champs. La richesse des partages rend ma fonction enrichissante. J’aime faire des sessions de mise en pratique avec les femmes à travers des activités environnementales, notamment la fabrication d’un bon compost/fumier qui va nous aider à suivre notre culture de la fourche à la fourchette. C’est concret ! Parmi les choses qui pourraient être améliorées dans le projet, je dirais qu’il serait intéressant d’ouvrir les connaissances de l’équipe à d’autres thématiques. Pour moi, l’équipe Rosa devrait animer des formations en entrepreneuriat/gouvernance, en développement personnel, etc. Je souhaite pour ce projet la pérennisation des activités d’élevage pour les femmes afin qu’elles continuent de bénéficier de leurs propres revenus. Je sens vraiment le changement qu’apporte ce projet aux femmes sur le volet économique spécifiquement. Cela aide clairement à l’autonomisation des femmes. Merci ROSA et ESF de me permettre de vivre cette expérience unique et de faire confiance en mes compétences. Zahra Jamil

Une femme, une éleveuse, une entrepreneuse !

Mariam Diallo, bénéficiaire du projet « La Voie Lactée des femmes de l’Oubritenga » partage son expérience sur le projet. Barkoundouba est un village peulh de la commune de Ziniaré située dans la région du Plateau Central au Burkina Faso. Situé à 15 km du chef-lieu de la commune, Barkoundouba signifie « la terre des hommes dignes et valeureux ». Là-bas nous avons rencontré Mariam Diallo, 36 ans, et son mari. Mariée et mère de 5 enfants (2 garçons et 3 filles), Mariam a pour activité principale l’élevage de bovins et la vente de lait de vache. Elle est membre du groupement Djam-naati qui existe depuis 2016 et rassemble 70 femmes. Mariam fournit du lait de vache, pour approvisionner les femmes de son village engagées dans la transformation et la vente : « Il y a 12 ans, grâce à mon adhésion au groupement, j’ai pu bénéficier d’une formation sur la transformation du lait : j’ai appris à faire la pasteurisation du lait et la transformation en yahourt. Avec le projet « la Voie lactée des femmes de l’Oubritenga », j’ai pu renforcer mes capacités sur la gestion de mon élevage. Je pratiquais l’élevage avant mais il y avait pas mal de paramètres qui m’échappaient comme le rationnement des animaux, la fauche, la conservation du fourrage et les avantages de l’étable pour ses vaches. Ce paquet de savoirs vient galvaniser mon activité et je suis sûre que cette activité m’apportera des économies durables dans l’avenir. Je n’avais pas de projet de construction de hangar étable car je n’avais pas les ressources financières pour, mais aussi parce que je ne connaissais pas les avantages d’un tel aménagement. Le projet m’a permis de construire mon étable avec l’appui de mon mari qui me soutient depuis le début du projet. » Son mari complète : « J’apprécie le soutien apporté aux femmes du village pour améliorer les conditions de vie des ménages. C’est moi qui ai mobilisé les agrégats (sable et graviers), trouvé le maçon et qui ai suivi les travaux. Je n’hésitais pas à interpeler le maçon lorsqu’il ne respectait pas ses engagements. J’ai aussi ajouté 30 000 FCFA pour la réalisation des travaux. » Mariam poursuit : « J’ai vraiment des difficultés pour l’alimentation de mes deux vaches. Le son de maïs et les tourteaux sont chers et ne sont pas disponibles à proximité. Or, j’ai bien compris que la production laitière est fonction de l’alimentation donnée à mes vaches. Une vache peut produire 1 à 4 litres de lait en période hivernale. Elle pourrait produire autant en saison sèche si une attention particulière est accordée à l’alimentation. Mais la saison sèche coûte cher en alimentation des vaches. Je vois un avenir meilleur : j’ai été formée, j’ai pu construire une étable. Il me reste à améliorer mes équipements et renforcer mon cheptel laitier pour mieux produire. Je suis confiante pour la vente du lait qui sera facilité avec la laiterie. »

« Parions l’Égalité » avec les Femmes de « la Voie Lactée de l’Oubritenga »

Au Burkina Faso, les éleveurs laitiers doivent faire face à une concurrence déloyale avec l’importation croissante de poudre de lait réengraissée avec de l’huile de palme, organisée par des multinationales européennes qui profitent de ce produit d’importation abondant et bon marché. Deux à trois fois moins cher, cette poudre de lait importée concurrence durement le lait local. La production locale ne couvre pas tous les besoins : 72% pour le Burkina Faso (en 2015). Ce qui est honorable pour le pays par rapport à d’autres pays de la sous-région. Mais la quantité de lait local valorisé demeure encore faible. Les zones de production sont éloignées et la production demeure très saisonnière car l’alimentation des animaux reste difficile en saison sèche. Il est par ailleurs plus facile de conserver et de transformer du lait en poudre que du lait local pour lequel les exigences en termes de maintien de l’hygiène et de la chaine du froid sont indispensables. Pourtant le potentiel est là et l’élevage constitue un levier pour combattre la pauvreté notamment celle des éleveurs burkinabè, et fournir des produits locaux de qualité aux habitants du Burkina Faso. L’élevage fait vivre, génère des revenus et contribue à la sécurité et à la souveraineté alimentaires du pays. Les femmes sont très impliquées dans les activités d’entretien du bétail, de traite, de transformation et de commercialisation du lait ; et ce malgré les inégalités d’accès à des biens, des services ou des sphères de décision occasionnées par la société encore très patriarcales dans laquelle elles évoluent. Par ailleurs, elles sont cantonnées à certaines sphères et une bonne part de leur investissement demeure invisible et soumis à des violences économiques, psychologiques, physiques ou sexuelles. Ces potentiels ont donc du mal à s’exprimer pleinement d’autant plus que le Burkina Faso doit se montrer résilient face à la situation économique (inflation), sécuritaire (terrorisme) et climatique (réchauffement) à laquelle il fait face. En 2015, la Cedeao a lancé une « offensive lait » avec notamment une campagne « Mon lait est local » dans 6 pays dont le Burkina Faso. ESF et ses partenaires APIL et Batik International soutiennent ce plaidoyer et y contribuent à travers les activités des projets « La Voie Lactée des Femmes de l’Oubritenga » et « Parions l’Egalité », à savoir : L’amélioration des capacités et des moyens des ménages d’éleveurs pour la production, la collecte, la transformation et la commercialisation du lait local. Le renforcement de l’organisation des femmes et de leurs connaissances en matière de droits. Une sensibilisation des communautés rurales et urbaines à travers la promotion d’une culture d’égalité. Découvrez les avancées de notre action sur ces trois volets : Des animaux, des formations et une unité laitière pour plus de produits laitiers locaux Avril 2023 : 28 vaches laitières ont été octroyées à 28 éleveuses préalablement formées aux itinéraires de production pour un meilleur entretien des animaux sur le plan de l’habitat, de l’alimentation, de la santé et de la conduite. L’unité laitière « La Voie Lactée » a été terminée et équipée et ses trois transformatrices ont été formées par APIL aux techniques d’entretien des locaux et des équipements, à la pasteurisation et à la confection de yahourt et de gapal. Ce sont elles qui réceptionneront et valoriseront le lait trait par les ménages d’éleveurs de la zone d’intervention et apporté par les 15 collecteurs formés (par APIL aussi) dans le cadre du projet. Un réseau de femmes relais pour renforcer les connaissances en matière de droits des femmes Février – Mars 2023 : 12 femmes de 6 villages ont été formées par une experte en droits humains sur les droits spécifiques des femmes, le leadership féminin et le plaidoyer. La formation a été restituée dans les villages avec l’appui de l’experte et d’APIL. Les chefs coutumiers présents lors de la restitution ont reconnu ces droits ainsi que le déploiement et le mandat de ces femmes relais qui seront motrices dans l’émergence et le portage d’un plaidoyer féminin dans les groupes féminins et dans les cadres de concertations villageois, communaux et provinciaux. A travers ces formations, les connaissances et les capacités endogènes sont renforcées : les savoirs des femmes sont augmentés ; des femmes leaders sont confortées dans leurs rôles ; de nouvelles sont identifiées et prennent confiance en elles ; un plaidoyer s’organise pour surmonter les contraintes locales. Du théâtre et du dessin pour sensibiliser les communautés sur les bienfaits d’une égalité de genre Mars – Avril 2023 : la troupe de théâtre Bassy de Ziniaré a élaboré une saynète théâtrale pour informer et sensibiliser sur la nécessité de maintenir de bonnes conditions d’élevage et de préserver les droits des jeunes filles et des femmes comme l’accès à la formation, la participation à la prise de décision, l’accès à la propriété, la protection face au mariage forcé ou précoce. La pièce fait aussi la promotion des bienfaits du lait de chèvre encore faiblement valorisé au Burkina Faso. Elle sera jouée dans les 6 villages d’intervention du projet courant – juin et en 2024 et sera améliorée au fur et à mesure des représentations et des messages que souhaitent véhiculer les éleveuses. A côté de cela, des dessins présentant les violences et les inégalités entre hommes et femmes ont été réalisées par l’artiste Main2DIEU, lors d’une session de formation dédiée à l’égalité de genre et organisée par Batik International. Les 60 dessins ont été valorisés dans le cadre d’une exposition lancée à Ouagadougou et sera itinérante au Burkina FASO et au-delà pour contribuer au développement de cette culture d’égalité. A bientôt pour d’autres nouvelles des projets « Voie Lactée » et « Parions l’Egalité » ! Sylvain Gomez, Responsable projets