Écouter, observer, comprendre : immersion dans une coopérative féminine

À quoi ressemble le quotidien des femmes éleveuses soutenues par le projet Envol des Femmes dans le sud du Maroc ? Comment une coopérative laitière peut-elle transformer les trajectoires individuelles et collectives dans une région rurale ? C’est à ces questions que Chloé Pont, Etudiante en Sciences Sociales, a tenté de répondre au cours d’un stage de recherche de trois mois à Ouarzazate, aux côtés de l’association Rosa, en partenariat avec Elevages sans frontières. Une immersion dans le projet Envol des Femmes Dans le cadre de ma première année de master en Sciences Sociales à l’Université Paris Cité, j’ai eu l’opportunité de réaliser un stage de recherche au sein de l’association Rosa, partenaire d’Elevages sans frontières pour le projet Envol des Femmes dans la province de Ouarzazate. Pendant 3 mois, j’ai donc pu participer à la vie de la coopérative COROSA destinée à valoriser économiquement le lait de chèvre produit par les femmes bénéficiaires du projet. À mon arrivée, mon objectif était de comprendre le fonctionnement de la coopérative, d’observer les relations qui unissent ses membres, et plus généralement, d’étudier l’impact de la coopérative sur le processus d’autonomisation de ses adhérentes. Un sujet qui a tout de suite pris tout son sens à travers les actions menées par Elevages sans frontières dans la région. Le quotidien d’un engagement collectif En partageant mes journées entre la coopérative et les bureaux de l’association Rosa, je me suis rendue compte du travail considérable accompli par l’équipe pour mettre en œuvre les différentes activités sur le terrain et assurer la pérennité du projet. Être impliquée quotidiennement dans les déplacements au sein des villages m’a également permis de comprendre tout ce que cela implique en amont : la préparation des ateliers, le suivi des éleveuses, la récolte d’informations pour répondre au mieux aux besoins des familles, la capacité d’adaptation de l’équipe face aux imprévus, et bien d’autres choses encore… Accompagnée par les membres de l’association pour faciliter nos échanges, j’ai pu interroger plus d’une quinzaine de personnes issues de la communauté rurale de Ouarzazate dans le cadre de ma recherche. Ces entretiens ont été réalisés auprès de femmes éleveuses, mais aussi auprès de figures masculines de leur entourage comme leur mari ou leur père. Coopérative, revenus et légitimité sociale Ce travail ethnographique vise avant tout à mettre en lumière les apports d’une telle structure dans l’émancipation économique et sociale des femmes qui en sont membres. C’est à travers cette posture de chercheuse que je vous partage quelques-unes de mes observations : Grâce à la vente du lait, les femmes qui bénéficient du projet disposent d’un revenu stable leur permettant notamment de contribuer financièrement aux charges de leur foyer, une responsabilité traditionnellement assumée par les hommes de la famille. À travers ce rôle, elles acquièrent ainsi une nouvelle légitimité sociale au sein de leur communauté et témoignent toutes de la fierté d’avoir pu améliorer les conditions de vie de leur famille. Au-delà de l’acquisition d’une nouvelle source de revenu durable, l’implication des éleveuses au sein de l’association Rosa leur offre un véritable espace de rencontre où elles peuvent à la fois tisser des liens avec d’autres femmes qui partagent leur quotidien mais aussi prendre confiance en elles grâce à l’écoute et aux dialogues instaurés par les intervenantes du projet. Les hommes qui ont souhaité participer à ma recherche m’ont également confié avoir perçu de grands changements depuis que leur femme ou leur fille s’est investie au sein du projet : elles seraient non seulement plus épanouies et confiantes au quotidien, mais aussi plus déterminées à entreprendre de nouveaux projets. Un des époux que j’ai rencontré a également déclaré que le projet avait « sauvé sa femme » pour mettre en avant l’impact significatif de la coopérative dans la vie de son épouse. Un stage riche en enseignements Mon stage fut également rythmé par les sessions de formations proposées par Rosa aux femmes désirant y participer. Dès les premières semaines, j’ai donc assisté aux ateliers participatifs sur l’estime de soi et le calendrier journalier co-organisé avec le soutien de Batik International. Ces journées ont permis de mettre en lumière de nombreux éléments directement en lien avec mon étude comme la difficile reconnaissance de leurs activités ou encore la charge mentale qui pèse sur elles au sein de leur foyer… Mais je retiens surtout l’énergie collective et bienveillante qui a encouragé des femmes souvent timides à prendre la parole pour exprimer leurs idées devant le groupe, parfois pour la première fois ! Je tiens à remercier Elevages sans frontières, et plus particulièrement sa directrice Pauline Casalegno en charge du projet Envol des femmes, pour sa confiance, ainsi que toute l’équipe de Rosa qui m’a accueillie sur place avec une grande générosité. Je souhaite enfin exprimer ma gratitude envers toutes les femmes qui ont accepté de m’ouvrir les portes de leur foyer afin de partager une partie de leur histoire. Ces trois mois ont été d’une grande richesse tant sur le plan humain que professionnel. Chloé Pont Etudiante en Sciences Sociales