Au cœur du quotidien d’une éleveuse – Vies à Vies 2022

Au Burkina Faso, la journée des femmes rurales commence bien souvent avant les premières lueurs de l’aube pour se terminer une fois que tout le monde est couché. Leur travail, invisible ou mal valorisé, contribue à l’équilibre social et économique des foyers mais traduit de fortes inégalités entre les sexes. Mariame, 5 enfants : son bébé dans le dos, elle prend soin de ses 5 vaches UN BIEN-ETRE COLLECTIF AU DETRIMENT DE CELUI DES FEMMES 5h30 du matin : se lever, balayer la cour, allumer le foyer, préparer le petit déjeuner pour toute la famille, réveiller les enfants, les débarbouiller, les habiller, les nourrir et les envoyer à l’école pour ceux qui y vont. Veiller au bien-être des enfants : une priorité pour les femmes. Au tour des animaux ! Il est 8h30, ces derniers reviennent des pâturages et du point d’abreuvement. C’est l’heure de la traite et de la tétée pour le veau qu’il ne faut pas oublier mais qui ne doit pas non plus boire tout le lait ! Le lait fuse plus ou moins dans la calebasse en fonction des saisons : les vaches ne mangent pas tout le temps à leur faim. Djeneba, Mariame, Salimata – pour ne citer qu’elles – ont commencé à garder quelques vaches au village pour que ces dernières dépensent moins d’énergie et produisent plus de lait. Cela implique toutefois de leur porter nourriture et eau. Veiller au bien-être des animaux : une nécessité si les femmes veulent gagner sur la vente du lait. A la corvée d’eau maintenant ! A vélo, en charrette ou à pied : tous les moyens sont bons pour rapporter le précieux liquide à la maison. Des heures pour parcourir des kilomètres, attendre son tour à la borne fontaine, le tout sous un soleil de plomb, pour recevoir parfois à peine de quoi répondre aux besoins du foyer et des animaux. L’eau est là, l’approvisionnement en bois est fait (une autre corvée assurée par les femmes) : c’est l’heure de préparer « la popotte » ! Faire cuire le riz et les condiments achetés au marché avec parfois les bénéfices tirés de la vente du lait. Veiller au bien-être des estomacs du foyer : une obligation à laquelle se tiennent les femmes. Cette charge de travail domestique se ressent dès le plus jeune âge et le temps pour prendre soin de soi, pour apprendre, se reposer est moindre comparé à celui des hommes. Coumbo prépare de quoi nourrir les volailles. L’heure du bain pour le fils de Mariame UN TRAVAIL INVISIBLE ET TEINTÉ D’INÉGALITÉS Dans la communauté peulh, les femmes ne cultivent pas et sont plus expertes en élevage avec le développement d’une activité économique autour de la traite. Dans la communauté mossi, les femmes sont très impliquées dans les travaux champêtres mais sont moins spécialistes en élevage, avec une activité de traite essentiellement dédiée à la consommation familiale. Dans tous les cas, les femmes ne sont pas propriétaires de la terre, des infrastructures et des animaux. Elles n’ont pas non plus le contrôle de certains maillons des filières comme l’achat ou la vente des animaux. Ce sont les maris qui donnent ou pas l’autorisation pour l’exploitation du lait, tout comme la participation aux organisations paysannes ou politiques. Pourtant, si les femmes avaient le même accès aux ressources productives et aux sphères de décision que les hommes, le rendement des exploitations augmenterait de 20 à 30% selon la FAO. Ce patriarcat s’installe très tôt dans les mentalités. Comme on dit en mossi, « Rawa katar bilié » : quel que soit son âge, un garçon reste un garçon et est toujours supérieur à la femme. La lessive avec cette eau si précieuse Djeneba, 4 enfants : à la traite de ses 10 vaches ENCORE PLUS DIFFICILE POUR LES DEPLACÉES Depuis 2015, le Burkina Faso connait une crise sécuritaire sans précédent. Les attaques terroristes se sont multipliées au nord, à l’est et à l’ouest. En mars 2022, la population déplacée a été estimée à 1,7 million de personnes. Des conflits peuvent survenir lorsque les ressources essentielles à la vie font défaut. Du fait de leur rôle dans la gestion de ces ressources, les femmes se retrouvent au cœur de ces tensions. La pression autour de la terre, de l’alimentation et de l’abreuvement du bétail peut mettre en péril la cohésion sociale. Dans le cadre du projet « Voie Lactée », les communautés de 6 villages de l’Oubritenga travaillent avec ESF et son partenaire APIL(1) pour que les femmes puissent s’engager sereinement dans le projet, avoir un meilleur accès aux ressources et aux bénéfices, mieux les contrôler et enfin faire appliquer leurs droits juridiques, sociaux et politiques. Le tout compris, accepté et soutenu par toutes et tous. SYLVAIN GOMEZ, Référent projet « Voie Lactée des femmes de l’Oubritenga » (1) Action pour la Promotion des Initiatives Locales

Zoom sur le parcours de Michel – Vies à Vies 2022

JEUNE ÉLEVEUR DE PINTADES AU TOGO Au Togo, 48% de la population a moins de 18 ans. Chaque année, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail peinent à réussir leur insertion professionnelle. Le lien entre manque de formation et chômage est évident. Le projet « Or Gris des Savanes » a permis à Michel de lancer son projet d’élevage de pintades. https://www.youtube.com/watch?v=6MXM3FptTSA Michel Tchable, jeune éleveur de pintades ambitieux Michel Yentaguime Tchable a 23 ans. Il vit dans les Savanes, dans le village de Kourientre. Sa famille n’a pas pu lui payer sa scolarité au-delà de la 1ère. Grâce à son engagement dans l’élevage, il a été retenu pour faire partie des 60 jeunes qui ont été formés à la Maison Familiale de Formation Rurale de Nagbéni. Pendant 7 mois, il a reçu des formations en élevage, en commercialisation et en gestion d’exploitation. Il sait à présent élaborer un aliment local pour pintade, incuber des œufs, dispenser les soins vétérinaires nécessaires au maintien de la bonne santé de ses animaux mais aussi suivre et évaluer son activité. Il a aussi été accompagné dans le montage et le financement de son projet d’élevage. Sur la base du plan d’affaire qu’il a formulé, il a été sélectionné et a reçu une subvention qui lui a permis de construire, d’équiper son poulailler et d’acheter des animaux. Cette formation et cet accompagnement ont été possibles grâce aux animateurs et aux formateurs des partenaires togolais FMFRT et ESFT(1). Avec les bénéfices tirés des ventes de pintades, il participe aux dépenses du foyer comme l’alimentation et la scolarisation de ses 6 frères et sœurs. Une partie de ses ressources est aussi réinvestie dans les activités agricoles. Devenu un modèle pour sa génération, il conseille et encourage des jeunes à s’investir comme lui dans cette activité qui lui permet de subvenir à ses besoins, de contribuer à ceux de son entourage et de participer au développement économique du territoire des Savanes. Sa famille bénéficie de la réussite de son projet. Formation sur l’alimentation des pintades JOSEPH KABORÉ, Référent projet « Or Gris des Savanes » (1) Fédération des Maisons Familiales et Rurales du Togo (FMFRT) – Elevages et Solidarité des Familles au Togo (ESFT)

Regard sur les champs-écoles – Vies à Vies 2022

Un « champ-école paysan » est une démarche de conseil agricole visant à accompagner les paysans dans l’amélioration de leurs pratiques pour une intensification durable de leurs productions agricoles. ESF utilise cet outil de formation pour animer des processus d’apprentissage en milieu rural. Comme une école « sans murs », les rencontres sont organisées dans un champ pour apprendre et valider des nouvelles techniques et solutions améliorant la gestion et l’écologie d’une culture. COMMENT METTRE EN ŒUVRE UN CHAMP-ÉCOLE ? Cette méthode centrée sur les apprenants repose sur une logique d’apprentissage par l’expérience. Durant toute une saison de culture (de la préparation des sols à la récolte), 15 à 30 agriculteurs se regroupent autour d’un champécole. Sous l’animation d’un technicien en agriculture, les membres d’un groupe se rencontrent pour conduire plusieurs expérimentations autour de la fertilisation des sols, la gestion de l’eau ou d’autres techniques testées. Le champ est divisé en plusieurs parcelles afin de disposer d’éléments visuels et factuels permettant de comparer les pratiques culturales communément utilisées et les techniques novatrices à mettre en œuvre (comme par exemple la substitution d’engrais chimiques par du compost à base de fumure animale). Lors de ces rencontres, le facilitateur encourage les participants à observer et apprécier les effets des pratiques appliquées sur les cultures de façon à retenir les solutions les plus avantageuses. A l’issue de ce processus, les paysans reproduisent les innovations validées collectivement dans la conduite des cultures dans leur ferme. https://www.youtube.com/watch?v=uJ4R3uukLtk Abou, Animateur en productions végétales sur le projet « Or Gris des Savanes » QUELS IMPACTS DANS NOS PROJETS ? Depuis 6 ans, ESF a essaimé cette approche dans plusieurs zones d’action. Récemment au nord Togo, les résultats de 25 champs-écoles paysans conduits au cours du projet « Or gris des Savanes » ont été capitalisés. L’objectif était d’amener les agroéleveurs à apprendre et à mettre en pratique les techniques de l’agroécologie et de l’agroforesterie pour améliorer la productivité des cultures vivrières tout en diversifiant leurs productions végétales. D’après l’évaluation menée, les producteurs disent avoir de meilleurs rendements sur leurs cultures (maïs, sorgho,…) avec les solutions de lutte antiérosives et l’application d’engrais verts. Ils souhaitent poursuivre ces expérimentations collectives et l’échange de savoir-faire entre pairs. THIBAULT QUEGUINER, Référent projet « Du champ à l’assiette »

Parole de Christian Bassolé, dessinateur – Vies à Vies 2022

CHRISTIAN BASSOLÉ DIT « MAIN2DIEU » Je me nomme Christian Arnaud Bassolé, dit « Main2DIEU ». Je suis dessinateur. Je termine ma formation aux Beaux-Arts d’Abidjan en Côte d’Ivoire. Ma formation initiale en Droit m’aide à dénoncer par le dessin les injustices, les inégalités et les faiblesses de nos sociétés. J’ai croisé Sylvain Gomez, référent projet ESF au Burkina Faso lors d’une « soirée caricatures » à Ouagadougou. Je l’ai caricaturé et puis on a parlé dessin et d’ESF ! Ensemble nous avons conçu deux kits de formation imagés : un sur l’élevage de poulets, l’autre sur l’élevage de chèvres. Nous avons d’autres idées pour former en images et à travers l’élevage sur les droits des femmes, la préservation de l’environnement et l’insertion socio-professionnelle des jeunes. Savoir que mes dessins permettent d’échanger, de former et de décider avec les éleveurs sur les améliorations de leurs pratiques me motive beaucoup. Cela dépasse le simple plaisir des yeux et mes dessins contribuent aux changements économiques, sociaux et environnementaux auxquels je crois. Un grand merci à Elevages sans frontières pour cette collaboration !