Des femmes éleveuses burkinabè ont décidé d’emprunter la Voie Lactée
Jeudi 15 avril 2021, 8h du matin, commune de Ziniare, village de Nakamtenga. Vêtue d’une jolie tenue blanche traditionnelle, Adama DIALLO, Présidente du groupement féminin « Potan* » accueille une équipe ESF-APIL à l’entrée du village. Situé à 6 km de Ziniaré, le cheflieu de Province et à 5 mn en voiture du goudron d’une route nationale, le village est composé de plusieurs quartiers constitués chacun de quelques cases rondes en banco avec toit de chaume. Non loin, une salle de classe avec une trentaine d’enfants qui nous chantent la bienvenue, des poules et leurs poussins et des pintades courent ça et là, 2 béliers et un taurillon de race améliorée sont attachés sous un hangar supportant des résidus de cultures, des taurillons, quelques vaches efflanquées et des veaux de race Peulhe ou Goudali s’ébattent quelques instants avant d’être poussés vers les pâturages. Sous l’arbre où nous nous installons, le substrat poudreux mélangé avec de la paille, des résidus de culture et les excréments d’animaux témoigne de l’activité d’élevage du village. Une odeur de poussière, de fumure sèche et d’herbe sèche nous envahit les narines. 8h du matin, le soleil est déjà haut dans le ciel et il fait plus de 30°C. Nous sommes en pleine saison sèche : les premières pluies ne sont pas attendues avant fin mai/début juin. Des femmes sont parties chercher l’eau à 4 km, vers le barrage (le forage mis en place avec l’aide d’APIL connait actuellement une panne). Elles sont parties depuis un moment et nous ne savons pas quand est-ce qu’elles reviendront. Nous commençons sans elles. 15 autres femmes – quelques-unes avec des enfants en bas âge – accompagnent Adama. Elles sont toutes membres du groupement qui rassemble les 67 femmes du village qui ont décidé de se fédérer pour développer des activités génératrices de revenus. BARRY, BANDE, DIALLO… : elles sont toutes peulhes. Dans leur communauté, les femmes ne cultivent pas. Ce sont les hommes qui s’en chargent et qui ramènent les produits des récoltes au village. Ce sont aussi eux qui possèdent les animaux. « Pourquoi pas nous les femmes ? » argue Adama « C’est la raison pour laquelle nous nous sommes regroupées entre nous. Chaque mois, nous nous réunissons pour échanger sur nos activités et les difficultés rencontrées. Chaque femme cotise 250 FCFA par mois au sein de notre groupe dont le statut est reconnu ; ce qui nous permet de nous tourner vers les caisses populaires pour prendre des crédits qui nous aident à développer nos activités. » Si les femmes ne sont pas propriétaires des animaux, elles sont cependant impliquées dans le soin des animaux qui restent au village, comme les veaux trop petits pour suivre le reste du troupeau qui quitte le village vers 4h du matin pour aller boire et pâturer. Ils reviennent vers 8h / 9h pour que les vaches soient traites une 1ère fois par les femmes. Le lait est vendu frais ou caillé au marché. La 2nde traite du soir permet de faire du beurre. La quantité qui sort du pis varie d’une saison à l’autre : 4 à 5 litres par jour par vache en saison des pluies (entre juin et octobre), moins de 2 litres en saison sèche où les ressources végétales (herbe de brousse, résidus de culture) sont rares et faibles en valeurs nutritives. Et il faut aussi partager cet or blanc avec les veaux non sevrés. « Nous prenons pour nous, mais les veaux doivent aussi avoir le nécessaire pour leur croissance ». Le type de conduite et le manque de nourriture des animaux sont les principales causes de cette faible productivité. Les hommes fournissent des tourteaux (résidus de culture) aux femmes qui souhaitent mieux nourrir les vaches laitières. Mais ce n’est pas suffisant. Adama est propriétaire d’une vache (l’exception du village). Elle la gardait au village mais avec le temps, la production a diminué. Elle a donc décidé de la laisser partir avec le reste du troupeau pour manger et s’abreuver. Mais ce ne fut pas mieux : « Elle a perdu en forme et elle donnait encore moins de lait. Avec les premières formations dispensées à travers le projet Voie Lactée, nous avons compris que les déplacements occasionnent une perte d’énergie pour nos animaux. Pire : j’ai même perdu une autre vache qui avait avalé un fil de fer. Et il y a aussi eu ce cultivateur qui avait empoisonné 5 vaches il y a deux ans. Tous les ans nous avons des conflits entre éleveurs et agriculteurs. Ce sont les hommes qui gèrent les suites de ces conflits. Et puis la forêt où vont se nourrir les animaux a beaucoup diminué à cause de la pression foncière avec l’agriculture, l’urbanisation, et la coupe forestière. Ce sont les mossis qui coupent les arbres… », explique Adama. Les animateurs d’APIL présents renvoient la taquinerie en demandant aux femmes avec quoi elles font cuire les repas de leurs familles… Cohabitation des communautés et des activités, préservation de l’environnement : un défi qui prend encore plus d’importance au Burkina Faso, au regard de la situation climatique et sécuritaire difficile que connait le pays. Adama poursuit : « Mais nous savons maintenant qu’une vache « fermée » (gardée au village), c’est mieux. Aujourd’hui mon objectif est de remettre cette vache en stabulation au village et avoir 4 ou 5 vaches pour moi ». Quelques-unes des 15 autres femmes font part timidement de cet objectif commun : « avoir des vaches pour soi et tirer des bénéfices grâce à la vente du lait ». Toutes ont retenu qu’« un animal à la maison gagne plus (produit plus) ». Abraham, l’animateur d’APIL est content : « le message est passé ». Adama ajoute : « si les gens voient (et vivent) les problèmes, ils vont réagir ». Le projet Voie Lactée travaille avec les éleveuses et leurs ménages pour ne pas que ce soit une fois dans le mur que la prise de conscience se fasse. Les hangars-étables prévus dans le