Des nouvelles du projet « Les éleveuses du Sahel »

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Le 8 mars, nous célèbrerons la journée mondiale des droits des femmes. Voici l’occasion de vous donner des nouvelles du programme au Sénégal ‘Les éleveuses du Sahel’.

Ce programme prévu de mars 2018 à août 2020, en partenariat avec Agronomes et Vétérinaires sans Frontières, est mené dans la région de Matam à l’est du pays. Il vise à favoriser l’émancipation des femmes sénégalaises par la professionnalisation de l’activité d’élevage de moutons. Ces femmes pratiquent en effet l’élevage mais de façon rudimentaire et informelle. En valorisant leur potentiel et en renforçant leur savoir-faire, les bénéficiaires pourront développer une activité rémunératrice et durable.

Grâce à nos partenaires financiers – la Fondation RAJA Marcovici et CDC développement solidaire – et à la générosité de plusieurs centaines de donateurs, ce projet avance comme prévu et des impacts sont déjà visibles.

La place de la femme dans le programme « Les éleveuses du Sahel »

  • Combien de femmes sont soutenues ?

Sur les 100 bénéficiaires accompagnés, 96 sont des femmes de 20 à 70 ans, ce qui participe à créer des liens de solidarité entre générations et à assurer la relève en formant des jeunes éleveuses.

  • Pourquoi avoir accompagné majoritairement des femmes ?

La situation économique des femmes de la région de Matam est précaire. Elles ont peu accès aux moyens de production (terres, animaux, équipements….) et aux crédits. Leurs activités sont bien souvent limitées à la sphère domestique ou à des activités économiques non reconnues (le petit commerce transfrontalier par exemple) alors qu’elles apportent une forte contribution à la vie et à l’économie des ménages.

Dans cette zone où de nombreux hommes partent dans les villes ou en migration, elles se retrouvent souvent seules et assument les charges de la « grande famille », incluant leurs propres enfants mais également les parents, beaux-parents, …

Loin d’être résignées, les femmes sénégalaises sont à l’origine de nombreuses initiatives collectives et solidaires (création d’organisations paysannes, mutualisation des ressources, investissement dans des activités de subsistance ou créatrices de revenus). C’est ce potentiel qu’ESF cherche à renforcer.

  • Quel est l’objectif de ce programme pour les femmes ?

L’objectif de ce projet pour les femmes est :
– Qu’elles élèvent et vendent mieux leurs moutons
– Qu’elles développent des pratiques agroécologiques avec leurs familles
– Qu’elles s’organisent en regroupements paysans, capables d’apporter des services pour le développement de leurs activités : accès au crédit, organisation des ventes, accès aux intrants, développement d’un microcrédit animal…
– Qu’elles gardent la pleine maîtrise de leurs activités rémunératrices ainsi améliorées et surtout sur des revenus générés, évitant l’accaparement par les hommes
– Qu’elles gagnent plus d’argent pour mieux subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

  • Quelles sont leurs activités au quotidien ?

Quotidiennement, les femmes sénégalaises en milieu rural assurent l’entretien du foyer, lavent, nourrissent et préparent les enfants ; elles font la lessive et préparent les repas. Elles portent donc encore la quasi-totalité des tâches familiales et domestiques.

En plus, elles entretiennent la bergerie et nourrissent les animaux, elles vont chercher de l’eau s’il n’y a pas d’eau dans le foyer. Elles participent aux travaux sur les parcelles maraichères pendant la « contre saison » (de novembre à mars) et à ceux des cultures pendant la saison des pluies (de juillet à sept).

Enfin, elles s’occupent d’autres activités qui génèrent des revenus comme la gestion de petits commerces de savons, de céréales, de broderies… Ces revenus leur permettent d’assumer l’achat des « condiments » ajoutés à la base des repas constituée de céréales.


Où en sommes-nous ?

  • Quelles formations ont-elles suivi pour maîtriser leurs élevages de moutons ?

Les sénégalaises sélectionnées ont été formées pour :
– Construire une bergerie dite « améliorée »
– Sélectionner les animaux destinés à la vente et ceux à élever
– Alimenter et abreuver les moutons pour qu’ils atteignent le poids idéal
– Fabriquer la pierre à lécher (complément alimentaire pour animaux)
– Améliorer la qualité et la production de fourrage pour une meilleure alimentation du bétail
– Traiter la paille à l’urée pour une meilleure digestion des moutons 
– Prendre soin de la santé animale : mesures d’hygiène, vaccinations, soins et déparasitages, prévention sanitaire
– Assurer le renouvellement du troupeau en maîtrisant les notions de base de la reproduction
– Assurer une bonne gestion économique et financière de l’activité d’élevage

  • Quels équipements ont-elles reçu pour démarrer leur activité ?

Chaque femme a bénéficié de la construction d’une bergerie, de 2 béliers (en plus de leur cheptel d’origine) et d’aliments pour les moutons. Elles ont également reçu un kit d’irrigation pour les cultures fourragères, des semences (niébé = haricot), des boutures d’espèces fourragères (maralfalfa), du petit équipement pour la fauche et une charrette.


Les résultats obtenus à ce jour

Des changements de pratiques :

Les éleveuses accompagnées ont été suivies et évaluées par les animateurs du projet. 99% d’entre elles ont changé leurs pratiques en élevant les béliers dans de meilleures conditions : sur le plan de l’hygiène, de la santé, de l’alimentation et de la protection contre le vol.

Une diminution de la durée du cycle d’embouche :

Au début du projet, 96% des personnes enquêtées réalisaient un cycle d’embouche (engraissage) de plus de 240 jours. Les 56 premières éleveuses accompagnées ont pu réduire ce délai pour réaliser un cycle de 118 jours. Elles ont pu vendre à bon prix 95% des béliers qu’elles ont élevés.

Une augmentation de la prise de poids des béliers :

Au regard des premiers résultats de pesée des animaux, le Gain Moyen Quotidien (GMQ) avoisine les 75,2 g/j, contre un GMQ de 45g/j dans la situation initiale. Cela signifie que les bénéficiaires nourrissent mieux leurs animaux et prennent en considération les préconisations d’hygiène.

Une diminution de la mortalité :

Jusqu’à présent, seulement 4 mortalités ont été enregistrées sur les 112 béliers soit 3,5 % de mortalité, contre 15% enregistrés avant le début du projet.

Un développement des services rendus par les organisations paysannes :

Les organisations paysannes ont permis de développer :
– 1 service de location de charrettes pour collecter et transporter les fourrages,
– 1 accès aux semences pour semer le niébé et le maralfalfa, sur le principe « Qui reçoit… Donne »
– 2 services de vente de niébé fourrager et maralfalfa.

Des installations pour optimiser la production végétale :

Une parcelle fourragère clôturée de 150 m² a été installée à Sinthiou Mogo, sur la parcelle dont l’organisation paysanne féminine est propriétaire. Elle a été équipée d’un système d’irrigation goutte à goutte permettant d’optimiser l’utilisation de l’eau.

Une augmentation des ventes d’animaux :

En début de projet, seulement 13% des éleveuses vendaient au moins 3 moutons par an. Les premiers comptes d’exploitation réalisés avec les éleveuses montrent que la quasi-totalité des éleveuses ont vendu 4  béliers en 2019 et les résultats nets d’exploitation sont positifs. L’objectif d’au moins 3 béliers vendus par an par éleveuse est largement atteint !


Les impacts pour les éleveuses et leur famille

Des moyens pour répondre aux besoins essentiels !

Désormais, les femmes sénégalaises accompagnées peuvent désormais satisfaire les besoins alimentaires de leur famille en consommant la viande et en épargnant de l’argent issu des ventes pour les dépenses de première nécessité.

Une reconnaissance sociale :

Les femmes s’émancipent et deviennent actrices de leur vie. Dans le témoignage ci-dessous, Faty nous confie avoir une réelle reconnaissance de la part de son entourage, notamment de son mari. Elle explique que son mari envisage de prendre une aide ménagère pour que Faty puisse se consacrer davantage à l’entretien de ses animaux et s’accorder du temps pour des activités de loisirs.


Témoignage de Faty Ousmane THIAM

Éleveuse de moutons, village de Fété Niébé

« Je m’appelle Faty Ousmane THIAM, j’ai 42 ans. Je suis mariée et j’ai deux filles et deux garçons. Une fille et un garçon sont scolarisés.

Je suis membre d’une organisation féminine du village de Fété Niébé qui s’appelle  « Bokou jom », ce qui signifie  « Travail ensemble pour un but ». J’ai intégré cette organisation pour contribuer au développement économique et social du village.

Je suis femme au foyer mais je pratique l’élevage de moutons et le maraîchage : j’ai deux parcelles de 40 m² dans le périmètre maraicher du groupement.

Avant ce projet, je pratiquais l’élevage de manière traditionnelle, avec ce que je savais. Je rencontrais beaucoup de difficultés pour nourrir et soigner mes animaux. Je ne voyais pas la rentabilité de mon activité. Je laissais les animaux en divagation et le soir, s’ils revenaient, je les gardais dans un parc sans toit. Pour engraisser un agneau, cela durait 6 à 12 mois.

Depuis j’ai bénéficié d’une bergerie améliorée, de matériel d’élevage et de deux béliers de race Touabire sous forme de micro-crédit en animaux que je vais rembourser. Je dispose également d’une parcelle de 50 m² que j’ai aménagée pour faire la culture fourragère de maralfalfa, et que j’ai bien valorisée pour assurer l’alimentation des animaux surtout pendant la saison sèche.

J’ai bénéficié aussi de deux sessions de formation sur les techniques d’embouche ovine et la gestion économique d’un atelier d’embouche.

Grâce à cet appui, ma vie s’est beaucoup améliorée. Je dors tranquille car je ne me soucie plus du vol de bétail. J’ai aussi gagné beaucoup de temps pour l’entretien des animaux et le nettoyage de la bergerie. J’ai déjà terminé un cycle d’embouche de 3 béliers dont deux reçus en micro-crédit dans le cadre du projet et un que j’ai pris dans mon élevage naisseur. Le cycle a duré 4 mois (avril à juillet 2019) ; plus court que d’habitude.

J’ai vendu deux moutons à 190 000 FCFA à l’approche de la fête de Tabaski. Avec cet argent, j’ai acheté  50 000 FCFA de ciment avec la main d’œuvre pour construire les toilettes de la maison. J’ai aussi acheté 3 jeunes béliers pour 105 000 FCFA pour démarrer un nouveau cycle d’embouche.
Au mois d’octobre avec l’ouverture de l’école, le reliquat de 30 000 FCFA sera utilisé pour payer les frais de scolarité de mes deux enfants et leur matériel scolaire.

Au regard de mon investissement de plus en plus important dans mon activité d’élevage, mon mari veut me chercher une aide pour l’entretien de la maison pour que je me consacre mieux à l’entretien de mes animaux et que je m’accorde du temps de loisir.

M’impliquer dans ce projet m’a beaucoup apporté ! »


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