AU CŒUR DE l’adaptation face au Covid-19

« Aujourd’hui, il reste à poursuivre l’appui des éleveurs en aliment et en dispositifs de lavage de mains, afin de prémunir les populations vulnérables des effets néfastes de cette pandémie. Nous devons sauvegarder les élevages afin de barrer la route à la famine qui se pointe à l’horizon ». C’est le constat que pose Gabriel, le directeur d’Eleveurs sans Frontières Bénin, faisant le point sur les actions mises en place ces derniers mois et celles restant à mener. Dès les premiers signes de l’arrivée de l’épidémie de Covid-19 sur le continent africain, Elevages sans Frontières et ses partenaires se sont mobilisés pour informer et former leurs équipes, mettre en place les gestes barrières et poursuivre les activités des projets grâce à une bonne dose de créativité, d’énergie et de volonté. Les gestes de prévention devaient également être diffusés aux populations, qui ont un accès inégal à l’information. Au Maroc, l’équipe de ROSA a rapidement traduit et développé les messages de prévention sous forme de vidéos, transmises par smartphones. Les radios rurales, principal canal d’information dans certaines zones rurales au Bénin, au Togo et au Sénégal, ont diffusé des messages d’information et de prévention, tant pour la santé humaine que celle des animaux. Enfin, afin d’aider les éleveuses et éleveurs à respecter ces gestes, ESF Bénin et ESF Togo ont doté les élevages de dispositifs de lave-mains. Au-delà de l’urgence sanitaire à court terme, un enjeu majeur transversal à tous les projets devait être poursuivi : l’appui de proximité auprès des éleveuses et éleveurs et la préservation des troupeaux. Face aux différentes mesures prises par les gouvernements de nos pays d’intervention (couvre-feu, cordons sanitaires qui coupaient le pays, confinements, laisser-passer, etc.) limitant plus ou moins drastiquement les mobilités des équipes, les formations et appuis techniques étaient impossibles. Au Togo, les Auxiliaires Villageois d’Elevage (AVE) formés par les projets ont assuré les visites des élevages et les remontées d’informations aux équipes projets. Au Bénin, ce sont les « éleveurs talents » (identifiés comme des éleveurs sortant du lot et accompagnés dans le cadre de projets pour aller plus loin dans l’acquisition de compétences et de connaissances) qui ont été mobilisés pour assurer ce maillage de territoire que les équipes ne peuvent plus assurer. Enfin, au Sénégal, les leaders des associations d’éleveuses et d’éleveurs, parfois dotés en téléphone, ont assuré ce lien de cohésion sociale pour être plus forts face à la crise. Ces quelques exemples montrent tout l’intérêt et la pertinence des relais identifiés et formés par les projets, qui participent à une cohésion entre les éleveurs et l’animation des territoires. L’animation des groupes d’échange et de formation collective s’est également adaptée. Au Maroc, les trois techniciennes ont gardé un lien fort avec les éleveuses grâce aux groupes de discussion sur les téléphones. Les problèmes ont été partagés et les conseils donnés à distance. Si les activités d’élevage semblent aujourd’hui sécurisées, l’avenir à court et moyen terme reste préoccupant. L’ensemble des partenaires souligne l’enjeu de l’alimentation animale : si les ventes des animaux, du lait ou des fromages sont bloquées, alors les éleveurs n’ont plus les ressources pour acheter des fourrages, les vaccins pour les animaux, ou pour subvenir à leurs besoins habituellement couverts par ces ventes. Des solutions temporaires se mettent en place : dotations en fourrages, groupements d’achats pilotés par les ONGs pour assurer la commercialisation des animaux, etc. Ceci se poursuivra par des actions à plus long terme, pour préserver les éleveuses et éleveurs de crises similaires dans l’avenir. Travailler à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont dépend la résilience des territoires et de ses populations, développer les stockages collectifs de fourrage, consolider les relations entre les éleveurs et les consommateurs en proximité. Autant de pistes déjà émergentes à renforcer pour l’avenir. Pauline Casalegno, Directrice ESF Témoignages de nos partenaires et éleveurs AU MAROC, Tahra témoigne : « Tous les jours les femmes coupaient la luzerne, une par une, comme l’obligeait le confinement. Mais cela ne suffisait pas : les aides de l’Etat et des associations ont permis de préserver les troupeaux grâce à des dotations en orge, le lien et l’appui technique. Cela a permis que toutes les femmes poursuivent leur activité d’élevage. » AU SÉNÉGAL, Pape Djiby Ba explique que « la fermeture des marchés a durement impacté les éleveurs car elle limite fortement la commercialisation du bétail et l’achat de denrées alimentaires de base pour les familles. Cet impact va être d’autant plus fort que l’on approche de la période de soudure. » HAÏTI reste très dépendante des importations alimentaires qui fragilisent sa sécurité alimentaire à court terme. Pour Jean-Camille, du CEHPAPE « L’autonomisation est la solution. Nous devons continuer à travailler pour arriver à une meilleure prise en charge alimentaire et à nous regrouper en coopérative pour sortir de cette impasse. » Dans le même thème, retrouvez également : REGARD SUR l’Afrique face au Covid-19 >> ZOOM SUR les Auxiliaires Vétérinaires d’Elevages >>

ZOOM SUR les Auxiliaires Villageois d’Élevage

AVE : le relai de proximité Dès le début de la crise sanitaire du Covid-19, ESFT, notre partenaire togolais, a formé les Auxiliaires Villageois d’Élevage (AVE) aux gestes barrières et mesures de précautions à appliquer. Pourquoi ce choix des AVE ? Il s’agit d’éleveuses et d’éleveurs issus des villages où ESF intervient, choisis par les populations locales. Ils ont donc la confiance des habitants et sont réceptifs aux bonnes pratiques liées à l’hygiène et à la santé animale. En effet, ils sont formés régulièrement par ESFT et accompagnés dans leur rôle de relais vétérinaire de proximité. Les AVE se déplacent chez les gens, manipulent les animaux, entrent dans les enclos, etc. Face aux incertitudes, aujourd’hui encore, sur les modes de transmission (poussières, pelages, air, etc.), la prudence était de rigueur. Ces éleveurs et éleveuses ont donc été dotés en masques et gants, et formés à leur utilisation, et ils sensibilisent à leur tour les autres éleveurs. Les AVE ont participé à la réalisation de vidéos sur l’explication des gestes barrières, partagées via les groupes de discussion sur les téléphones. Par ces groupes, les populations ont pu témoigner de la réalité de l’épidémie, et les habitants des zones rurales les plus isolées ont été eux aussi informés. Les AVE ont donc contribué à la diffusion des messages sanitaires et à la prise de conscience collective. Les AVE ont également participé aux émissions radiophoniques, qu’ESFT a renforcées dès le début de la crise, pour poursuivre la diffusion des bonnes pratiques d’élevage. Compte tenu du contexte, le thème de l’hygiène pour les animaux et les humains était plus que prioritaire ! Sylvie Tchacolow-Tagba, Directrice ESF Togo Dans le même thème, retrouvez également : AU CŒUR DE l’adaptation face au Covid-19 >> REGARD SUR l’Afrique face au Covid-19 >>

REGARD SUR l’Afrique face au Covid-19

Réactive, solidaire et résiliente Plus de 5 mois après les premiers cas de Coronavirus sur son continent, l’Afrique reste le continent le moins touché par la crise sanitaire liée au Covid-19. On a avancé pendant un temps que les chiffres étaient sousévalués, compte tenu de l’absence de politique de dépistage et d’un comptage aléatoire des décès. Même si tel était le cas, le système de santé et les hôpitaux auraient été submergés. Or cela n’est arrivé dans aucun pays. Des éléments démographiques, virologiques, sociologiques et politiques, moins condescendants vis-à-vis de ce continent qu’un argument de « mauvais comptage », expliqueraient que le continent ait été relativement épargné : • La jeunesse du continent : environ 60% de la population a moins de 25 ans. Seuls 5 % des Africains ont plus de 65 ans. Avec un âge médian de 19,7 ans, (42 ans en Europe), la population jeune est moins vulnérable au virus. • Les pays africains se sont appuyés sur les enseignements tirés de précédentes pandémies (Ebola, le VIH, la rougeole ou le choléra) et sont d’une certaine façon préparés à ce contexte épidémique. La plupart des Etats africains ont réagi très tôt dès l’apparition des premiers cas de Covid-19, en fermant leurs frontières et en prenant aussitôt des mesures préventives de confinement ou de mise en quarantaine des grandes villes. • Enfin, pour la plupart des pays, les gestes barrières, la fermeture des lieux de rassemblement, la distanciation physique, l’isolement géographique des zones touchées, le couvre-feu, le port systématique du masque, ont été une réponse logique et dans un premier temps socialement acceptée. La crise sanitaire semble contenue à ce jour. Cependant, la fermeture de marchés locaux, des frontières, des restaurants et globalement la limitation des déplacements et des échanges entravent les ventes, l’accès au fourrage, aux fournitures vétérinaires, etc. Les risques de pénuries et les hausses des prix des biens alimentaires importés se cumulent à une baisse des revenus, accentuant la vulnérabilité des populations déjà fragiles. Les inégalités sociales et l’insécurité alimentaire pourraient malheureusement s’accroître. A long terme, cette crise révèle les profonds dysfonctionnements du système agricole et alimentaire artificialisé et globalisé qui fragilise les plus pauvres face aux difficultés économiques, sociales et sanitaires. Elle conforte également la nécessité de soutenir les transitions agricoles, partout dans le monde, en faveur d’une agriculture et d’un élevage respectueux des femmes, des hommes et de la nature. Charlotte Conjaud, Responsable partenariat Dans le même thème, retrouvez également : AU CŒUR DE l’adaptation face au Covid-19 >> ZOOM SUR les Auxiliaires Vétérinaires d’Elevages >>